15 janvier 2024
Quand ils étaient plus petits, encore assez petits pour construire des maisons de cailloux et de branches aux escargots qu'ils attrapaient, les adultes s'entêtaient à offrir des robes et des jupes à Rose. Leur grand-mère les cousait elle-même et leur tante Fleur exigeait des défilés, et Rose disait merci en faisant la grimace, allait se changer en traînant des pieds. Leur mère était sévère, et ni Hugo, ni Rose n'aurait jamais osé refuser un cadeau, ou désobéir à un adulte.
Mais Rose ne remettait plus jamais ni les robes, ni les jupes. Par dizaines, elles se faisaient dévorer par les mites dans les cartons que leur mère empilait dans le grenier. Leur tante et leur grand-mère pouvaient bien essayer, dépenser des fortunes, jamais sa grande-sœur ne serait une fille à robe et à jupe.
Pour la réconforter de ses cadeaux décevants et la féliciter de ne pas avoir fait de caprices, leur mère lui offrait toujours une jolie salopette, ou un petit sweat à capuche. Et au fil des années, des anniversaires, des noëls, tata Fleur et Grand-mère Molly se firent une raison. Notre jolie petite Rose est un garçon manqué, disaient-elles en haussant une épaule. Oh, tant pis. Les autres filles de la famille aimaient bien assez les robes et les jupes pour les ruiner toutes les deux. On offrait des jeux vidéos et des baskets à Rose, et elle souriait sincèrement, alors, tout le monde y trouvait son compte.
Rose était alors devenue le garçon-manqué de la famille.
Après tout, ça collait bien à son caractère. Elle qui n'avait pas peur de tomber dans la boue, de monter aux arbres, de bousculer les garçons et de les remettre à leur place, elle qui ne supportait pas quand on disait " allez, les filles, on met la table ! les garçons jouent à la balle, dehors ! ", elle que rien n'effrayait, ni perdre, ni se battre, ni gagner. Elle était même la seule à ne pas avoir peur des films d'Halloween.
Pourtant, certaines nuits, elle venait dans la chambre de Hugo après un cauchemar parce qu'elle ne pouvait pas se rendormir seule, parce qu'elle aussi les voyait les ombres dans le noir, parce qu'elle aussi l'imaginait, le monstre sous son lit. Elle aussi voulait crier quand elle trouvait une grosse araignée sombre piégée dans la baignoire, et Hugo les voyait, les larmes qui mordaient les paupières de Rose après une mauvaise chute.
Mais elle les retenait, ses cris, ses larmes, ses peurs. Elle les gardait au fond d'elle, pour les dompter et les terrasser, pour leur mettre la misère et leur faire comprendre que Rose Weasley, ce n'était pas une fille qui se soumettait comme ça.
Sa sœur, ce n'était pas une rebelle, ni un garçon-manqué - ou alors, vraiment, c'étaient les garçons qui étaient des Roses-manquées parce qu'elle ne les manquait jamais. Elle n'était pas sans peur, elle n'était pas invulnérable, elle mettait des fleurs sauvages dans ses cheveux bruns et elle ne lisait que les livres qui finissaient bien. Elle laissait ouvertes les fenêtres les nuits d'orages, ramassait les coquillages sur la plage et n'avait pas besoin de sa baguette pour se faire respecter. Et elle portait des jolies salopettes, des sweats à capuches rose pâle et bleu marine et ses chaussures ne restaient pas propres très longtemps ; oh, chaque jour, elle devenait une arabesque, une aquarelle de centaines de contradictions, de milliers de nuances, car Rose aimait toutes les couleurs. Et le résultat était magnifique.
Toujours est-il que ceux qui l'attaquaient faisaient mieux de savoir courir vite.
Dans la famille Weasley-Granger, je voudrais la fille...La coriace.
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Le jeu des cinq familles
FanfictionLe père et la mère d'Hugo avaient une carte Chocogrenouille à leurs noms, son oncle aussi d'ailleurs. Et ses amis n'arrêtaient pas de se les échanger dans le compartiment, autour de lui. Il les regardait faire, perplexe. Quel drôle de jeu. On aurait...