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Katherine

L'air devient irrespirable. Si je m'écoutais, j'embrasserais Ileana. Je lui sauterais dessus et embrasserais ses lèvres jusqu'à en perdre le souffle. Mais l'image d'Alyssa surgit dans mon esprit et je sors de la pièce sans un mot pour la blonde.

J'ai besoin d'air, j'ai l'impression de suffoquer. Alors je me précipite vers la sortie et profite de l'air qui s'est rafraîchi. Il fait noir, désormais, et il n'y a qu'un faible lampadaire pour éclairer le porche de la maison.

Je reste dehors pendant un long moment et en profite pour envoyer un message à Fanny dans lequel je lui explique brièvement la situation.

Je réponds également à Irina dont les nombreux messages interrogatifs me font rire dans ma barbe. Je lui promets que je lui raconterai tout et range mon portable dans ma poche. Ensuite, j'inspire et expire profondément avant de rentrer par la porte d'entrée déverrouillée. Une délicieuse odeur me parvient alors et je la suis, avant de me retrouver dans la cuisine. Heather s'active aux fourneaux, avec une douce musique. C'est du piano, mon instrument préféré... Je la regarde faire sans rien dire, un sourire aux lèvres, et elle sursaute en remarquant enfin ma présence.

— Seigneur! Tu m'as fait peur. Ça va?

Je hoche la tête et propose de l'aider. L'adulte semble voir que je ne suis pas au top de ma forme; elle ne pose pas de questions et me tend un tablier. Je la remercie d'un signe de tête et commence à découper les légumes comme elle me l'a demandé.

— Ileana est dans sa chambre?

— Oui, j'imagine, je réponds en haussant les épaules.

— C'est dur, pas vrai?

Je fais mine de ne pas savoir de quoi elle parle:

— Qu'est-ce qui est dur?

— D'aimer quelqu'un en silence. De prétendre en permanence. Ça doit peser...

J'arrête de couper les champignons et relève les yeux vers l'adulte, qui m'étudie du regard:

— Elle en aime une autre, Heather. Elle a eu mal pendant des mois dans l'unique but de me protéger. On ne cesse de me répéter qu'il faut que je lui dise ce que je ressens. Que je sois honnête. Mais quel genre de personne égoïste serais-je de faire une telle chose? Et pourquoi voulez-vous tous que j'intervienne dans sa vie amoureuse à tout prix? Pourquoi ne pas la laisser être heureuse? C'est ce que je veux pour elle.

Je réalise vite que je me suis emportée contre Heather qui n'avait rien demandé. Je n'ai fait que déverser ma frustration par le biais de mots injustes et je m'en veux:  

— Pardon, excuse-moi, je ne sais pas ce qu'il m'a pris...

— C'est fou, comme tu peux lui ressembler par moments... Tu veux savoir ce que je pense, Katherine?

Je hoche doucement la tête et reprends le couteau:

— Ce que je pense, c'est que tu te persuades que tu ne mérites pas.

Cette déclaration me fait relever la tête.

— Tu te persuades que tu ne la mérites pas. Que ce que tu mérites, c'est souffrir de la voir avec quelqu'un d'autre. Parce que tu te dis que c'est ta faute. Parce que tu te sens coupable d'avoir pu penser qu'elle ne t'avait jamais aimée. Tu te sens coupable d'avoir douté d'elle, d'avoir douté de vous, alors qu'elle pleurait dans mes bras tous les soirs d'amour pour toi...Tu te sens coupable de l'avoir haïe alors qu'elle ne faisait que te protéger. Et du coup, quoi? Tu te dis que c'est à ton tour de la protéger? Mais de quoi la protèges-tu, Katherine? Et puis, ne penses-tu pas que vous en avez assez bavé? Qu'il est temps pour vous de tourner la page une bonne fois de toutes? De quoi as-tu peur, Katherine? Si peur que tu te persuades du pire pour t'éloigner de ce qui te rend heureuse?

Katherine (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant