Nordics 5 Hell yeah !

Chapitre 6

« C'est juste que, ben tu vois, comment dire, hésita Tino. »

Matthias l'avait pressé de questions après qu'il se soit mis à pleurer, et le jeune homme avait fini par céder. Il avait commencé à parler d'une voix tremblante, puis les mots avaient jailli de plus en plus fort, de plus en plus vite, comme pour rattraper toutes ces années de silence. Les émotions avaient besoin de sortir, la vérité avait besoin d'être clamée haut et fort.

« J'ai jamais eut beaucoup d'amis quand j'étais à l'école primaire, parce que j'étais nouveau, je venais de déménager avec ma mère depuis la Finlande et je parlais pas encore très bien la langue. Les autres aimaient bien se moquer de moi, mais j'avais deux amis quand même, Eduard et Raivis. Tolys aussi était sympa.

« Au début c'était juste quelques garçons qui se moquaient un peu, des trucs de temps en temps. Le reste de la classe riait, parce que c'était drôle je suppose. Moi j'aimais pas trop être le centre de l'attention, alors j'ai commencé à essayer de les éviter. Je restait pas mal avec Eduard et les autres, mais ça n'arrangeait pas vraiment les choses. En fait, plus j'évitais les autres, plus ils me cherchaient. Leurs blagues étaient plus méchantes, et ils trouvaient drôle de me prendre mon goûter, ou mon repas à la cantine. Ils disaient que j'étais déjà assez gros, que j'avais pas besoin de ça. Eduard et Raivis avaient trop peur pour intervenir, alors ça continuait.

« Eduard a changé d'école, et je me suis retrouvé tout seul. Les autres étaient tous plus grands et plus costauds que moi. Certains garçons ont commencé à me mettre des coups de pieds, pour rire. Une fois, des filles m'ont fait passer une lettre, qu'elles avaient signé, où elles m'insultaient, me traitaient de gros tas, elles disaient que j'étais moche, et que j'étais énorme, que personne allait jamais m'aimer. J'avais trop honte pour en parler, et je ne voulais pas inquiéter ma mère. Et puis je suis rentré au collège.»

Tino se tut pendant un temps, jouant nerveusement avec ses doigts moites. Il avait détesté le collège. Trois années de souffrances et de moqueries, avant qu'il n'ose enfin en parler à quelqu'un. Trois années à vivre dans l'angoisse et la détresse, à se rendre malade pour éviter les cours, à raser les murs pour éviter le regard des autres.

« Ça a continué, résuma-t-il simplement. Mais j'ai finalement réussi à en parler à un professeur. Ceux qui m'embêtaient sont passé en conseil de discipline et on m'a laissé tranquille. Mais j'étais devenu aux yeux de tous « la balance ». Je n'ai jamais pu me refaire des amis. J'ai passé toutes mes années au collège seul dans mon coin. Heureusement l'ambiance était meilleure au lycée, mais j'étais toujours aussi seul. Tu es le premier ami que j'ai eu depuis Eduard. »

Matthias avait écouté en silence. Pour une fois, la garçon semblait incapable de dire quoi que ce soit. Muet comme une carpe, il regardait Tino. Le finlandais ravala ses larmes en essayant de garder une expression digne. Il n'avait pas tout dit. Mais c'était la première fois qu'il s'ouvrait ainsi à quelqu'un. Il aurait voulu disparaître sous terre. La peur lui nouait les entrailles. Il haïssait son corps, ce corps trop gros, difforme, sans muscles, à la peau trop pâle. Il aurait tout donné pour l'échanger contre un autre. Les autres garçons de son âge étaient grands et musclés, comme Matthias, ou bien plus petits, minces et athlétiques. Ils étaient sportifs, ils étaient élégants, ils avaient des traits harmonieux. Lui il ne ressemblait à rien. Il baissa les yeux, fixant avec intensité les feuilles mortes dans la terre, rendues floues par ses larmes.
Le blond sursauta en sentant le contact chaud et un peu moite des mains de Matthias contre son visage humide. Il releva les yeux pour rencontrer le regard bleu brillant de Matthias. Le visage du danois semblait hésiter sur l'émotion à afficher, balançant entre la colère, la peine et un sourire rassurant. Le grand blond opta finalement pour une solution plus simple : il serra Tino contre lui à nouveau, presque violemment cette fois.