Introduction: Monde gris.

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Allongée sur mon lit, je tentais de me concentrer sur la vidéo Youtube, ignorant les appels insistant de ma mère. Même après 22 ans de cohabitation de plus en plus pénible, cette conne ne pige pas que sa fréquence vocale n'interfère pas avec mon envie de bouger.

- Je t'ai déjà dit qu'il ne faut pas sauter de repas ! Viens manger E-

J'enfouissais ma tête dans l'oreiller, augmentant le son en grognant à l'entente de mon stupide prénom. Mon père ne s'était même pas donné la peine de m'en donner un décent, et je devrais subir toute ma vie sa fantaisie. Sérieusement, ne pouvait-il pas me donner un prénom passe-partout ? Léa, Laura, Julie... Mais non, il avait fallu jouer les originaux.

« ... On se dit à trèèès bientôt, merci d'être toujours au top. Prenez soin de vous, ciao ! »

Je soupirais, déposant mon téléphone sur ma table de nuit avant de m'extirper de mon lit. Évitant soigneusement de poser mon regard sur le miroir de ma chambre, je descendais lentement les escaliers de ma petite maison.

- C'est pas trop tôt ! Je ne suis pas un perroquet donc viens à la première s'il te plaît.

L'ignorant, je m'asseyais à une chaise en diagonale de celle où elle était assise. Après avoir contenu un soupir, je me résignais à avaler le morceau de viande décongelé, accompagné de la salade agrémentée de carottes et grain de maïs fades, le tout camouflé par une sauce blanchâtre.

Le ton de sa voix, adouci, reprit :

- Je ne t'ai pas vu de la journée... Comment vas-tu ?

- Super, et toi ?

- Oh, hyper occupée ! J'ai réglé les derniers papiers de ma formation, je commence demain ! Je le sens bien ce stage, faire quelque chose qui me plaît ça va me changer.

-  Mmh, c'est chouette.

Nouveau silence que seuls les bruits de mastication et de fourchette rompaient. Ma mère réessaya plusieurs fois de lancer une conversation passionnante autour de cet été indien, de mes cours ou de divers sujets aussi incroyablement incroyables les uns que les autres, sans succès. Je finis par me lever pour débarrasser. Oh et puis pourquoi faire comme si tout allait bien ?

- Maman ?

Surprise que je l'apostrophe , ma mère lève la tête avec une expression de ravissement.

- Oui ?

- Il est où ?

Son visage s'assombrit et j'en souriais presque.

- ... Dehors. Tu le connais, il a beaucoup de boulot.

- De boulot, hein.

Si j'étais plus courageuse, je m'énerverais. Je lui crierais de le larguer. Je sais pertinemment que je suis un échec pour elle. Si elle lui a fait un enfant, c'était juste pour le retenir.
Mais il avait juste continué ses affaires avec le boulet qu'était notre famille. En réalité, je me contrefoutais du bonheur de ma génitrice, mais cet argent qu'elle partageait avec lui aurait pu me revenir et ça, ça me rendait folle. Si seulement elle me payait un studio...

Je me contentais de terminer d'astiquer mon verre avant de fuir cette foutue salle à manger. Elle parvint cependant à m'attraper par le bras avant de tapoter sa joue.

- Qu'est-ce qu'on dit ?

Je posais mes lèvres sur sa pommette rapidement, avec un sourire forcé.

- Bonne nuiit.

Elle me caressa doucement les cheveux, geste qui me donnait des frissons.

- Dors bien E-

- Mamann...

La Gardienne.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant