Dangerous Game

Ladder : 54

Jungkook avait rencontré Taehyung de la plus banale des façons, à l'époque il bossait encore dans un salon de tatouage. C'était qu'un petit bouï-bouï sombre dont l'extérieur ne payait pas de mine, mais ils faisaient leur job correctement. Ça les avait sauvés d'une faillite certaine, parce-qu'ils étaient vraiment imbriqués dans le pire emplacement possible, entre un lavoir automatique et une boutique dont le panneau "à louer" commençait à tomber en lambeaux.

Alors, quand quelqu'un arrivait juste avant la fermeture sans même un sourire d'excuse, ils devaient ravaler leurs soupirs et faire le job. C'était déjà une chance en soi qu'ils aient choisi leur salon à eux; ils ne pouvaient pas se permettre d'être difficiles.

Parfois, le cuisiner du restaurant d'en face venait leur apporter un petit quelque chose pendant leurs heures sup' imposées. Seulement Jin était très occupé et bossait encore plus qu'eux, et certains soirs son travail payait assez pour qu'il ne reste plus rien. L'estomac de Jungkook était égoïste assez pour avoir envie de faire ralentir ses ventes, histoire de pouvoir se mettre un de ses dumplings sous la dent.

C'était un de ces soirs. Il tentait de se concentrer sur peu importe quoi, tant que ce n'était pas son estomac.

Heureusement pour le cœur de ce pauvre Nate, le secrétaire, le trouble-fête qui les obligeait cette fois à fermer plus tard avait un sourire à faire tomber les dames.

Jungkook griffonait sans réfléchir dans son carnet, plié en deux parce-qu'il n'était pas d'humeur à entendre les remarques de ses collègues. Il devait s'entraîner aux proportions, et pour ça il n'existait rien de mieux que le modèle nu. Il utilisait tous ses membres pour protéger les yeux des potentiels indiscrets de son dessin indécent, seulement il s'était laissé emporter dans une courbe particulièrement compliquée sur la hanche. Le genre de courbe qui paraît surnaturelle sur photo, incompréhensible sans référence.

Son propre corps n'avait pas réussi à l'alerter contre la soudaine intrusion dans son magasin.

- Les photos sur téléphone c'est pas une bonne référence, je peux poser si tu veux.

Tout avait sauté, son carnet, ses genoux, ses bras, son souffle, comme s'il s'était soudainement prit un platane. Il n'avait même pas encore vu cet homme que sa peau s'était rebellée, couverte de chair de poule.

Comment avait-il pu ne pas entendre la cloche?

- Après je doute que grand monde se tatoue des pin-up masculine alors au final, tu fais c'que tu veux..

- Dans tous les cas je fais c'que j'veux.

Dès le moindre choc ou la moindre contrariété, son corps entier se braquait et il aboyait. Là, chacun de ses membres était confus. L'intrusion de ce grand bonhomme dans son espace vital lui avait fait le même effet que l'introduction d'une nouvelle espèce de loup au milieu d'un troupeau de carlins. Chacune de ses cellules s'était recroquevillée dans un coin et avait sorti un bouclier en feulant.

Il avait déjà vu passer beaucoup d'hommes pourtant. Énormément qui flirtaient sans honte, énormément qui se faisaient percer dans des endroits indécents exprès. Aucun ne lui avait fait ce genre d'effet.

Il osait à peine relever les yeux, honteux de sa propre réponse. S'il faisait fuir un client son patron allait le démonter..