Juste des veines bleues | Klance

Épilogue

Des veines bleues et rouges se mêlaient, se mangeaient et se mélangeaient au creux des poignets serrés l'un contre l'autre, par deux mains qui ne voulaient pas se détacher. Il faisait bien trop chaud, mais c'était une chaleur bienvenue. Lance avait eu bien trop froid, ces derniers temps ; il était ravi de retrouver un peu de chaleur auprès du corps blanc, blanc aux veines rouges, de celui qu'il avait toujours attendu, et qu'il attendait encore. 

Les mouvements étaient lents, les caresses étaient emplies de tendresse, mais elles avaient un amer arrière-goût, un arrière-goût d'au revoir. Lance ignorait cet arrière goût du mieux qu'il pouvait pour profiter du moment présent, car de tels moments étaient bien trop rares ; le reste du temps Lance avait bien trop froid. Loin de la chaleur du paladin rouge, loin du corps pale, pale aux veinules rouges, Lance grelottait malgré le radieux soleil d'été, malgré la plage, malgré le travail, malgré ce qu'il racontait aux autres pour ne pas les inquiéter. Lance aimait la chaleur, mais sa chaleur devait s'en aller, bien trop souvent, et bien trop longtemps. Parfois, Lance se laissait emporter, mais bien trop souvent elle partait sans lui, et il devait attendre qu'elle revînt, bien trop longtemps. 

Lance avait déjà bien trop attendu avant de la trouver, pourtant il attendait encore, parce qu'elle ne restait que trop peu souvent. Elle repartit cette fois aussi, quand ils eurent fini de danser. Lance ne savait pas si elle avait attendu le matin, mais quand il se réveilla, ce fut parce qu'il faisait de nouveau bien trop froid. 

...

C'était une assez courte mission, avait-il dit. En réalité, ce n'était pas vraiment une mission. En tous cas, ce n'était pas une mission pour la Lame de Marmora, mais c'était tout de même très important. Le cœur de Keith se fendait à chaque fois qu'il devait repartir. Il était un chef d'escouade chez les lames, il avait des responsabilités... Même s'il s'en serait bien passé depuis le début. Sa mère avait insisté, et il ne pouvait dire non à sa mère, qu'il ne voyait pas assez souvent à son goût.

Ce jour était le grand jour. Il avait déjà commencé les démarches quelques semaines auparavant, mais l'opération s'était avérée bien plus longue et complexe que prévue. Keith se sentait terriblement mal d'être parti dans la nuit, sans rien dire, mais ce n'était pas la première fois qu'il le faisait après tout. La tête que faisait Lance le matin, quand Keith s'en allait, était encore pire. Le cubain ne faisait pas exprès, au contraire. Il pensait réussir à cacher la douleur dans ses yeux si expressif, l'amertume dans sa voix normalement si chantante, et la tristesse de son visage si rayonnant d'habitude. Keith voyait tout. C'était terrible, et à chaque fois qu'il disait « au revoir » à Lance, c'était comme si une lame acérée lui transperçait mille fois la poitrine à la recherche de son cœur serré et comprimé. 

...

Keith revint le soir même, à la grande surprise de Lance. Ce dernier jouait dans la piscine gonflable qui avait été installée en début de saison avec ses neveux. Il était censé les surveiller, comme un adulte responsable, mais au final il s'était retrouvé il ne sût trop comment, à participer à une grande bataille d'eau avec eux. Ils étaient grands depuis, âgés de dix et douze ans, ils commençaient à se défendre bien mieux qu'autrefois. La bataille n'était toujours pas équitable pourtant, et ils ne réussissaient à grimper sur les épaules et le dos de leur oncle que parce qu'ils étaient deux. 

Quand il aperçut Keith venant vers eux depuis l'entrée du domaine, il n'en crût ses propres yeux. Ça lui faisait un effet à peu près similaire à chaque fois, mais ce soir là, ça avait été si rapide, et si inattendu... Lance s'était complètement figé, perplexe et persuadé d'avoir des hallucinations. Nadia ne laissa pas passer l'opportunité et, avec l'aide de son frère qui pour la bataille coopérait volontiers, elle sauta à nouveau sur son oncle pour le faire basculer et couler. Heureusement qu'une piscine creusée était en construction dans la cour arrière, car celle-ci ne tiendrait plus longtemps avec deux préadolescents et un adulte qui s'y battaient comme des animaux sauvages. La pression des quatre mains malicieuses se fit moins forte, et Lance put enfin émerger.