chapitre 9.

772 70 0
                                    

Mais où peuvent ils bien être ? La maison sur deux étages et totalement silencieuse. Je développe mon ouïe pour écouter dehors, jusque au bout du jardin, au bout du pré, mais rien. Pas la moindre trace de ma famille. Ma respiration s'accélère. Où sont ils ? Lydia me regarde étrangement, dans l'attente de quelque chose. Je leur ai promis quelque chose.

Je claque la porte derrière moi et me dirige vers le gîte que louaient mes grands parents. C'est une maison du XVIIIème siècle parfaitement conservée, sur trois niveaux, avec plusieurs chambres, deux pièces à vivre, deux salles de bain, qui maintenant ne servent plus à rien sans eau potable. C'est alors que je me rends compte d'un détail qui ne m'avait pas marqué, par habitude durant les cent kilomètres de trajet. Le goudron qui tapissait l'allée menant à la maison a été enlevé, ainsi que celui du chemin descendant plus bas. Plusieurs kilomètres si le travail a été terminé. Plusieurs kilomètres de goudrons enlevés pour ne pas subir... Les insectes. Cela veut dire que la maison a été habitée depuis qu'il y a des insectes.

On trouve des matelas dans la maison abandonnée d'un voisin, et je remarque un deuxième détail qui m'avait échappé, impatient que j'étais de revoir les miens. La maison du voisin et les matelas sont recouverts d'une épaisse couche de poussière, or je suis sûr que la table de la salle à manger de mes grands parents était parfaite, sans une once de saleté, comme l'aiment mamie, et papa, même si ça ne peut être génétique par alliance (et que ça ne s'était transmis à aucun des enfants de mon père). Donc ils sont là ! Je pousse un cri de joie, puis un soupir de soulagement, je repose les deux matelas que j'avais transporté, explique la situation aux autres et nous rentrons dans la grande maison.

J'allume un feu dans la cheminée. Il ne fait pas froid mais un peu de lumière est la bienvenue, enfin pour les autres qui ne voient pas grand chose à cette heure. Ils allument quelques bougies usagées qui traînent et nous attendons. Au bout de cinq minutes je n'en peux plus de rester en silence à observer la grande salle à manger / salon, et je commence à parler. De tout ce qui me passe par la tête concernant cette pièce. Le chien regardant la baie vitrée de la véranda dans un larmoiement. Mes soeurs jouant sur le bar qui sépare le salon de la cuisine ouverte, nous lisant sur les canapés, regardant les infos avec une tisane le soir. Les réveils avec mamie, à six heures du matin, pour partir à sept heures à la pêche avec papi. Les dispositions des canapés en fonction des époques, des fêtes et des fantaisies de mamie, l'armoire du XVIIème, l'horloge qu'il faut remonter tous les dimanches. Puis je commence à faire la visite. Le bureau, la chambre de mamie, la cuisine, domaine réservé aux femmes depuis le moyen âge dans la famille de mon papi, l'escalier et les jeux avec le chat. La BD de tintin sur une étagère du palier, la chambre bleue des filles, les perroquets sur la chambre d'adolescente de ma mère, la chambre de papi, la chambre des parents et celle des garçons, où j'ai passé mes vacances. Je leur dis les orages d'été que je voyais au nord est, si loin que seules les lumières me parvenaient du vélux où j'étais installé, je leur conte les soirées avec mon cousin, avec mes amies qui m'appelaient et que je lui présentait, où nous nous racontions mutuellement notre vie à un an d'écart. 

Il doit avoir tant changé maintenant, comme moi. Théo est son nom et il me manque, comme Marie, Cécile, papa, maman, papi, mamie. Je ne sais ce qu'est devenu mon grand père. Sa maison était en zone orange le soir de la Fin. Il s'est peut être sauvé, peut être pas, je ne sais pas. La porte en PVC fait un grand bruit. Et une voix bourrue, barbue et bien connue râle. 

Qui a allumé ces bougies ? On avait dit qu'il ne faut pas gâcher les denrées rares, dit papi. Une autre voix bien connue prend la parole. La voix de Marie est douce, pleine d'une expérience nouvelle et d'une assurance posée.

Moins fort papi, avec les chevaux dans le pré, je préfère ne pas parler trop fort et me préparer à me défendre.

La FinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant