chapitre 3 : 11 h 43

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La sonnerie de 14 h 25 résonne, lugubre, dans le lycée et me réveille de ma sieste. Je suis allongé sous une table dans la pièce silencieuse, les articulations douloureuses. J'ai mal au menton, et mon esprit embrumé ne se souvient pas tout de suite d'où vient ce lino poussiéreux et les chuchotements sur ma gauche. Je me déplie donc difficilement, et m'étire consciencieusement tous les muscles, tout en le frottant les yeux pour finir de me réveiller.

- Hey Luc, dit la voix de Lola, assise à côté de moi.

Sa voix haute brise le silence et l'atmosphère feutrée de la salle presque vide.

- Où sont partis les autres, chuchotai-je d'une voix rauque ?

- On sait pas, me répond-elle alors que je me tourne vers elle. Ils sont partis il y a longtemps, il y a eu de nouveaux coups de feu, on est restés là. Là ça va faire une heure que rien n'a bougé.

Je hoche la tête, montrant que j'ai compris. Je m'intéresse alors à la conversation à gauche.

- ... sortir, dit la voix d'Alexandre.

Je ne l'avais pas vu quand je suis rentré. C'est un ami avec qui j'aime beaucoup parler, à propos de sujets importants comme la politique, la mort, la religion. Il a une grande culture et une grande éloquence, à la hauteur de son ambition.

- Mais pour faire quoi ? Aller où, demande Juliette, fataliste ?

- Les réseaux sont encore bouchés, on ne peut joindre personne, note Joseph.

- Justement ! Il faut qu'on sorte, insiste Alexandre.

- Je suis d'accord, interviens-je, qu'est ce qu'on risque de plus que de rester ici ? Il faut que je retrouve ma famille.

- Nous aussi, rétorque Gabrielle. En fait on a tous quelqu'un à chercher.

- Euh, vous pensez pas qu'on ne devrait pas se séparer, demande Romain ?

Romain est l'être le plus charitable et "selfless" (j'ai pas le mot en français, mais c'est le contraire d'égoïste, vous m'avez compris) que je connaisse. Il aide les plus faibles à faire leurs devoirs, est un catholique plus convaincu que moi, gentil en toutes circonstances. Et pour ne rien gâcher, il est intelligent et plutôt beau gosse.

J'adhère à son idée comme beaucoup des adolescents apeurés que nous sommes. On a moins peur, quand on est tous ensemble.

- Et si quelqu'un nous cherche, pointe judicieusement Margaux ? Comment il saura nous retrouver ?

C'est moi qui ai l'idée de noter nos noms sur le tableau, l'heure à laquelle nous sommes partis et où nous sommes allés. Ce dernier point s'est avéré difficile puisque tout le monde voulait aller chez soi en premier. J'ai tranché en écrivant qu'on sortait en direction de la ville. Ça suffirait bien.

Yann
Gabrielle et Juliette
Joseph
Margaux
Anthony
Lola
Léa
Alban
Romain
Mélissa
Alexandre
Lou-Anne
Marion
Luc

Sont partis de la salle 11 à 14h30 pour trouver leurs familles

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