Tout en humant un chant, Hyacinthe revêtit sa tenue de nuit, une longue robe de soie blanche originaire de contrées lointaines. Il contempla son portrait dans la bassine d'eau argentée qui lui servit de miroir. Son visage était encore empreint de jeunesse, et ses boucles brunes retombant sur son front cachaient ses yeux couleur d'océan.
Il était tant pris dans sa contemplation - pas par narcissisme, mais par la réflexion qu'il en tirait - qu'il sursauta légèrement lorsque des coups retentirent à la lourde porte de sa chambre.
- Entrez, déclara-t-il en se détournant.
Il s'attendit à voir entrer un esclave, ou une servante, mais il n'en fut rien. La femme qui entra était d'âge mûr, mais toujours aussi belle que si elle était dans la fleur de l'âge. Ses cheveux blonds tombaient en boucles sur ses épaules, entremêlés de lourdes boucle d'oreille de nacre et d'émeraude et surmontés d'un diadème d'or. Son chiton rose mi-transparent mettait en valeur les bracelets d'or qu'elle avait au bras.
- Mère? N'êtes-vous pas couchée?
- Hyacinthe, mon fils... j'ai à te parler.
Il déglutit. Savait-elle? Que lui fera-t-on, en apprenant qu'il s'était uni avec un dieu? Il ne savait si l'on l'exilera ou si l'on l'acclamera, et il ne savait non plus laquelle de ces perspectives était la pire.
- J'ai entendu, continua-t-elle devant son silence, que tu avais à nouveau refusé une potentielle épouse aujourd'hui.
Il soupira intérieurement de soulagement. Bien que ce n'était pas un sujet qu'il aurait aimé évoquer non plus.
- Oui, mère. Vous m'en excusez.
- Il y a cinq jours, tu avais refusé la main de la princesse de Mycènes. Et aujourd'hui, ce fut celle de cette jeune femme, fille d'un des plus grands magistrats de Sparte, que tu as repoussé. Elle était pourtant fort jolie et naïve, et t'aurait été obéissante.
- Elle n'est pas ce que je cherche.
- Alors que recherches-tu? Hyacinthe, Chronos fait son œuvre! Nous sommes prêts à te faire épouser une servante s'il faut cela pour notre lignée!
- Je voudrais trouver le vrai amour, voilà tout. Et ces femmes ne me l'apportent pas.
- L'amour se construit. Dis-moi la vérité. Tu ne peux être aussi naïf.
Il serra les poings.
- La vérité? La voilà : je l'ai trouvé, l'amour, en un homme, que je ne peux épouser!
- Quel en est le but? Je me fiche que tu trouves ton plaisir dans les bras d'amants et de maîtresses! Tu pourras avoir tous ceux que tu souhaites, mais par Aphrodite, prends femme et assure la descendance de notre lignée et je jure par Héra que tu pourras t'amuser comme bon te semble!
- Vous ne comprenez pas, mère.
La reine fronça les sourcils, et serra les dents, visiblement agacée.
- Vraiment? C'est toi qui es trop ignorant! Je t'ai gardé trop longtemps au gynécée, mon cœur a devancé mon devoir et j'en paie le prix. Crois-tu être un simple berger? Tu es un prince, un jour tu seras roi et devras en porter les responsabilités!
- Je préfère mourir dans ma jeunesse, heureux en amour que de vivre et de rendre une épouse malheureuse!
La claque que lui asséna sa mère coupa court à son emportement.
- Ne prononces pas de telles paroles. Tu vas nous porter malheur!
Il ne répondit rien, et baissa les yeux.
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Les émois d'Aphrodite
Historical FictionDes amours anciennes, et qui pourtant ravivent toujours autant les cœurs...