Le palais était immense, et le vide et le silence qui y régnait n'aida pas à le rendre plus chaleureux. Télémaque déambulait en ses couloirs, car il n'avait rien d'autre à faire.
Ici, il avait tout ce qu'il voulait. Un mot et les serviteurs lui présentaient un repas ou un nouvel habit. Il avait tout pour être heureux, vraiment.
Seulement, les terres ensoleillées d'Ithaque lui manquaient. Les terres de cette île étaient plus vertes et fertiles que n'importe quelles autres, mais elles ne remplaçaient pas le décor de son enfance. Sa mère, ses amis, toute la cour lui manquait aussi. Ainsi, il avait l'air d'un enfant... il avait passé la vingtaine, mais au fond ne l'était-il pas encore?
Alors qu'il fixait le sol marbré, écoutant ses chaussures y claquer, il releva la tête vers l'horizon. Le couloir semblait infini.
Et en réalité, il l'était vraiment. Circée avait mis en place ce tour, afin de piéger les visiteurs trop curieux ou les intrus aux mauvaises idées. Bien sûr, lui connaissait son échappatoire, et il lui suffit de s'arrêter et de toucher un mur, pour qu'une porte d'or ornée de deux lions gravés se présente.
Elle s'ouvrit seule, et il y pénétra sans crainte aucune. Il savait où elle menait, car il fallait penser à l'endroit de notre souhait pour que l'on s'y retrouve. Il avait une fois demandé à Circée s'il pouvait voyager de cette façon, et elle ne lui avait jamais répondu. Il n'avait jamais essayé, de peur de faire une bêtise, et ne s'en était servi que pour changer de pièce.
Il fit balader son regard sur celle gigantesque dans laquelle il venait d'entrer. Mis à part un mur, elle était entourée de colonnes, et donnait d'un côté sur la mer, de l'autre sur la forêt. Son plafond était si haut qu'on ne pouvait en voir sa fin, et qu'il rejoinait l'Olympe même.
Mais la pièce, tout comme le précédent couloir, était vide. C'était bien étonnant, d'ailleurs, car toutes les pièces du palais de Circée étaient remplies. Sa chambre avait le lit le plus grand et le plus somptueux du monde connu. Dans sa bibliothèque était entassés des savoirs que même les dieux ignoraient et jalousaient. Et dans des dizaines de pièces, étaient entreposés des objets venant de tous les Hommes, toutes les créatures et toutes les civilisations ayant existé. Si elle le voulait, Circée pouvait voler le trident de Poséidon ou l'arc d'Artémis. La Magicienne connaissait tant de choses et de secrets, que la seule et pauvre vie de Télémaque ne conviendrait pas à en apprendre la plus infime partie. Après tout, n'était-elle pas la fille d'Hélios? Le Soleil n'était-il pas au-dessus de tout, ne voyait-il pas tout? Et ne brûlait-il pas ceux qui, comme Icare, s'en approchait de trop près avec imprudence? Circée tenait beaucoup de son père.
Le jeune homme, qui s'était avancé dans la pièce, s'avança encore jusqu'au trône magnifique qui en était au centre. Car si elle était vide, c'était en faisant abstraction de ce siège si grand qu'il fallait en monter milles marches pour pouvoir s'y asseoir. Au contraire de l'aspect terne des pierres et du marbre du palais, il était couvert de coussins plus colorés les uns que les autres.
Et au milieu de ces couleurs, tout aussi colorée dans sa robe rouge vif, surmontée de bijoux, Circée demeurait assise, belle et majestueuse. Télémaque ne put s'empêcher de rougir, car ce ne fut pas la richesse et la vivacité de sa parure qui enflamma son cœur, mais bien la femme qui la portait.
Dans tout son confort, celle-ci arborait un air las, et ne réagit même pas lorsque son jeune mari s'était approché de son trône.
- Circée, ma douce, que vous met-il donc dans cet état? Lui demanda-t-il, inquiet.
Cette dernière gonfla les joues, d'une manière enfantine qui jura complètement avec son allure divine.
- Comme je m'ennuie... plus aucun navire ne passe près de cette île! À croire qu'Éole me les a détournés!
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Les émois d'Aphrodite
Historische RomaneDes amours anciennes, et qui pourtant ravivent toujours autant les cœurs...