Achille & Patrocle

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- Une amphore? Pour toi seul? Avec la bataille qui se prépare demain?

Ulysse reposa le parchemin qu'il avait dans les mains sur sa table, et regarda Achille avec à la fois sérieux et incrédulité.

- J'ai beaucoup de respect pour toi, Achille, reprit-il, mais tu n'es pas un dieu. L'alcool t'affecte, peut-être pas autant que nous, c'est vrai, mais il t'affecte. Tu sais que tu es notre meilleur atout. Je ne vais pas risquer de t'avoir ivre sur le champ de bataille.

- Voyons, Ulysse, tu sais très bien que je me bats aussi bien ivre que sobre! Combien de tes soldats se saoulent avant d'aller au combat? Grâce à ce merveilleux breuvage, ils ne ressentent plus la peur, et meurent dans la plénitude de leur âme.

- Mais tu n'es pas un simple soldat. Tu ne devrais pas avoir besoin d'alcool pour être courageux.

Achille croisa les bras, et fit la moue. Il n'avait pas tort.

- ...Juste un verre. Une goutte!

- Achille, s'il te plaît, je dois finir d'organiser la stratégie d'attaque pour demain.

- C'en est assez, par Zeus! Si tu ne me donnes pas cette amphore, je vais m'introduire dans la cité et révéler ta stratégie à Priam même!

Ulysse fixait ses notes, désintéressé.

- Va. Je ne t'en empêche pas.

Dans un geste de fureur, Achille donna un coup de pied dans la table, laissant s'éparpiller au sol tout ce qui reposait sur elle, et quitta la tente d'un pas rapide sans même jeter un œil au plus que las roi d'Ithaque.

Certes, l'envie d'aller révéler ses plans à l'ennemi ne lui manquait pas, mais Patrocle l'attendait. Et il attendait aussi à boire.

Peu importe ce qu'avait dit Ulysse, et ce qu'il dira. Il marcha jusqu'à la tente où étaient empilées les amphores de vin, en prit une avant d'en ressortir, et les deux soldats qui gardaient la tente n'y trouvèrent rien à redire.

L'amphore à la main, il marcha quelques minutes avant d'arriver devant la plage. L'océan, que l'on voyait d'habitude à perte de vue, était assombrit par la nuit et caché par les navires.

Mais le paysage ne pouvait rivaliser de beauté avec ce qu'il avait devant les yeux.

Patrocle semblait fixait l'océan d'un air pensif. Du moins, c'est ce que se dit Achille.

Il n'alla pas le rejoindre tout de suite. Il se contenta de le contempler, de dos. Ses cheveux bruns emmêlés retombaient sur ses épaules, et il ne portait qu'un vêtement gris sans manches, attaché d'une ceinture de cuir. Moins seyant qu'une armure forgée par Héphaïstos, mais bien plus pratique à retirer avant un acte charnel.

Achille finit par s'approcher de lui, et s'assit sur le sable. Lui, le grand guerrier, manqua de frissonner à son contact froid. Il passa son bras autour des épaules de Patrocle. Son corps était si chaud...

- J'ai apporté notre divine boisson, l'informa-t-il en lui montrant l'amphore.

- Oh, merci!

Depuis quand n'en avait-il pas bu? Ce vin-ci, le meilleur de toute la Grèce, n'était réservé qu'au rois. Il s'en sentit à peine digne.

- Je reviens, fit Achille en se relevant finalement. Je vais aller le couper.

Il quitta son compagnon, et marcha jusqu'à l'océan, sous la seule lumière de la Lune. Lorsque les vagues - d'ailleurs glacées - couvrirent ses pieds, il s'accroupit et ouvrit l'amphore pour y faire pénétrer l'eau. Il n'avait pas pris la peine de trouver des verres, autant boire au goulot directement, et couper l'alcool de cette façon. Ils n'allaient tout de même pas boire le vin ainsi! Cela devrait avoir un goût ignoble.

Les émois d'AphroditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant