Six pieds sous terre

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J'étais prisonnier, asphyxié dans un amas de terre qui entravait chacun de mes membres. Le fracas de l'explosion m'avait par la suite ensevelit, sans que je ne puisse rien faire, ne laissant sur le champs de bataille, plus aucune trace de mon existence. Mon corps était inerte mais mes pensées étaient toujours actives et laissait naître en moi un sentiment qui hanta mon esprit, mes derniers instants durant. J'étais perdu, six pieds sous terre, moi qui devais respecter une promesse, celle de resserrer mon amies dans mes bras. Je lui avait dit que je reviendrais encore plus musclé pour la serrer encore plus fort contre moi. Elle ne pourrait certainement pas encaisser une nouvelle de moi par télégramme. Je devais respecter ce pacte de revenir sain et sauf quoi qu'il arrive... À cette pensée j'eut du mal à ravaler ma salive, devenue à moitié acide par intoxication. Dès que j'en avais l'occasion, j'envoyais de multiples lettres à ma famille, en essayant d'écrire des mots joyeux et rassurants, sans pouvoir m'inspirer du paysage et de la lame de ma baïonnette qui me servait de taille crayon. J'espérais les revoir un jour...
Je crachais une salive noire et me mis à rire sans raison. La vie est donc si cruelle...
Non, cette vie n'était pas digne, pas à la hauteur de mes attentes, mais si cela peut sauver des générations futures, je m'y résigne. Survivre était mon unique préoccupation, c'était à mon sens l'objectif de tous. J'en avais rien à foutre de récupérer un territoire où je ne vivrais jamais, la Somme c'est petit et Verdun il fait moche. C'est triste putain, je vis une vie superflue, je veux ressentir la nécessité de continuer à me battre bordel. La nécessité d'être... La vie c'est pas d'la merde putain faut se l'encrer dans le crâne, sérieux.
Mes yeux confrontés jusque là à l'horreur de la guerre pouvaient enfin se reposer. Je les fermais mais les images de sang et de destruction me revenaient, même isolé du massacre de la surface. Le seul élément que je pouvait ressentir, c'était la terre froide et humide qui enveloppait mes mains tremblantes. J'essayais de creuser avec des mouvements saccadés pour me rapprocher de la surface, en vain. J'étais désorienté. Je sentais soudain que j'allais m'évanouir par manque d'oxygène. Une agonie lente mais que je préférais de loin a une amputation pour éviter la propagation d'une nécrose...
Les vétérans, que j'admirais pour leur expérience m'avaient souvent dit qu'un obus ne retombe jamais au même endroit, je me sentis enfin rassuré.

DamnésWhere stories live. Discover now