Résilience

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Mes forces étaient sur le point de s'évaporer, ma vie ne tenait qu'à un fil. J'écoutais les échos retentissants des coups de feu et je sentais la terre vibrer sous les chocs espacés mais incessants d'obus. Je voulais crier, de toutes mes forces pour avertir la surface. Mais j'étais comme bâillonné et immobilisé, cette terre si dense et lourde sur mes épaules empêchait mon ventre de se soulever. Neutralisé, le froid me faisait perdre mes moyens et l'anoxie m'empêchait de prononcer le moindre cri d'alerte. Me débattre avant que la terre ne se tasse était inutile, l'étreinte demeurait et mes forces n'y changeraient rien. Il fallait rester calme, sans quoi le stress m'aurait pris au tripes et m'aurait tué. Le stress peut tuer. Appeler à l'aide était inutile, je rayais donc dans ma tête tous les faux espoirs et les solutions qui ont échouées. Le seul moyen de s'en sortir vivant était de creuser, creuser un tunnel jusqu'à atteindre la surface. Le problème était que j'avais perdu toute notion d'espace, je ne savais pas dans quel sens mon corps s'orientait. De plus, où mettre la terre enlevée d'un côté vu que j'étais compressé par celle ci. Je me résignais alors, en espérant ne pas être trop profond, à me tourner sur moi-même pour faire tomber la terre. En vain, évidemment... La pensée de la mort me vint plusieurs fois, cette sensation était horrible. Mourir de cette manière, si jeune, sans pouvoir user de sa force, c'est si con. Je ressentais un sentiment d'impuissance... Je voulais crier de toutes mes forces pour faire gronder la terre et la soulever avec l'aide de ceux qui étaient aussi dans mon cas, ensevelis, mais je préférais garder mes forces et l'espoir d'être secourût. Le silence pesant était perturbé par le battement rapide de mes tempes qui résonnait dans ma boîte crânienne. J'avais l'impression d'être le cœur d'une bête géante endormie, isolé des plaintes et des bruits d'artilleries lourdes. Le son métallique, rythmique, me faisaient penser aux moments passés au café-concert « l'eldorado ». Il semblait que le chant s'intitulait « la Madelon ». Je me visualisais dans les combles d'un concert de percussions et d'instruments à vent. De la force qu'il me restait, je tapotais du doigt, dans ma tombe creusée par la guerre. Je souriais, j'étais enfin en paix. Une larme coula et a en juger sont tracé sur mon visage, je pris conscience de ma position avec la gravité. La perle rare se mélangea à la terre, aussitôt rejointe par le ruissellement de la pluie qui martelait le sol et s'y infiltrait. Un orage se déclara, en symbiose avec les explosions.

DamnésWhere stories live. Discover now