"Ennemis" | Woosan [Malentendus T1]

𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚃𝚛𝚘𝚒𝚜

Wooyoung se tortillait sur son lit, essayant de sortir de sous la masse qui l’écrasait. Il avait l’impression qu’à chaque geste qu’il faisait, le bras de San se resserrait autour de lui. Il ne voulait pas le réveiller, mais s'il ne le laissait pas partir maintenant, ils risqueraient de se retrouver dans une situation peu agréable. 

Il lui attrapa le bras et tenta de le soulever délicatement. Tentative ratée, San avait l’air de se réveiller. Les yeux encore fermés, il demanda d’une voix rauque :

<< Maintenant que tu as eu mon cul, tu essaies de me fuir ? >>

Il avait prononcé ces mots en rigolant légèrement, mais Wooyoung n’avait pas discerné de sincérité dans son rire. Il plaça une main dans ses cheveux et lui répondit :

<< Je veux juste aller pisser mec. >>

San ria encore une fois, plus sincèrement que la première fois, nota Wooyoung, et répliqua :

<< J’t’ai sucé, y a quoi ? Deux heures ? Et tu m’appelles mec ? >>

Wooyoung souria et lui tapa doucement l’épaule, puis le poussa doucement afin qu’il le lâche enfin. En se levant, il sentit la main de San glisser sur sa peau, jusqu’à ce qu’il ne soit plus à proximité. Avant qu’il ne puisse sortir de la chambre, il entendit San l’interpeller :

<< Tu reviens, hein ? >>

Wooyoung fronça les sourcils et se tourna vers son lit. San était toujours allongé, les yeux fermés. N’importe qui le voyant comme ça pourrait croire qu’il dormait, mais Wooyoung pouvait voir à son poing fermé qu’il semblait tendu. Il ne le releva pas et se contenta de lui répondre, avec un peu de légèreté :

<< Tu es littéralement dans mon lit, tu veux que j’aille où ? >>

Il remarqua que son poing s’était relâché, il l’entendit chuchoter quelque chose comme “okay”, et se dirigea vers les toilettes.

Après enfin s’être soulagé, il se lava les mains et s’appuya sur le lavabo, face au miroir. Son regard se posa sur les traces mauvâtres de son cou, qui descendaient jusqu’à ses clavicules. Il laissa échapper un souffle et se passa un coup d’eau sur le visage.

Après l’incident de la médiathèque, San et Wooyoung s'étaient retrouvés plusieurs fois, rarement pour parler. Pas que Wooyoung ne voulait pas, mais c’est compliqué de demander des explications avec la langue de quelqu’un d’autre dans sa bouche. Et puis, ça ne lui déplaisait pas non plus… Mais il aurait quand même aimé pouvoir lui parler un peu plus.

Mais lui parler de quoi ? Faire connaissance ? Ils se connaissaient depuis l’enfance certes, mais ils n’avaient jamais eu de réelles discussions. Par exemple, il ne connaissait pas la couleur préférée de San. Maintenant qu’il y pensait, c’était probablement le noir, il portait souvent cette couleur. Mais le noir, c’est pas une couleur… Ce n'est pas le sujet, Wooyoung.

Son dialogue interne fut coupé par la porte de la salle de bain qui s’ouvrit. En levant la tête, il aperçut San dans le miroir.

<< On peut plus pisser tranquille, blagua-t-il par habitude.

- Ça fait quand même longtemps que tu y es. Je venais vérifier si tu t’étais pas perdu. >>

Il se rapprocha, enroula ses bras autour de sa taille, et posa sa tête sur son épaule. Wooyoung croisa son regard quelques secondes dans le miroir, avant que San ne tourne la tête vers lui.

<< À quoi tu penses ? >>

Sa voix était douce, à peine plus forte qu’une brise. Il n’avait pas besoin de forcer sur sa voix, il n’était qu’à quelques millimètres de son oreille et l’appartement était silencieux. 

<< Le noir c’est pas une couleur.

- Effectivement, techniquement on voit plus ça comme une nuance. Le blanc aussi d’ailleurs. >>

Il s’était retourné vers le miroir. Wooyoung remarqua que ses yeux n’étaient pas entièrement ouverts, il devait encore être fatigué. Il devait être aux alentours de trois heures du matin, ils feraient mieux d’aller dormir. 

Il posa les mains sur celles de San et les dirigea tous les deux vers la chambre prenant soin d’éteindre les lumières sur son passage. San se laissa tomber sur le lit comme s'il n’avait pas vu de matelas depuis plus d’une décennie. Wooyoung pensait qu’il s'endormirait immédiatement, mais San ouvrit les bras, l’invitant à s’y placer. Ce qu’il fit immédiatement ; se plaçant dos à lui, dans la position de la petite cuillère. Puis, San l’embrassa sur le morceau de peau qui était le plus proche de sa bouche, c'est-à-dire son épaule, et lui souhaita “bonne nuit”. 

Wooyoung lui répondit mais ne s’endormit pas directement. Il repensa au geste que San venait de faire, et tous les autres actes de tendresse qu’il avait pu faire, et ceux depuis l’incident. Personne n’était censé se montrer aussi sensible face à son ennemi. Enfin, personne ne roulait de pelle à son ennemi non plus. Remarque… Toute cette tension pouvait rapidement déraper. Entre la haine et l’amour, il n’y a qu’un pas. 

Est-ce que Wooyoung détestait San ? Ou du moins est-ce qu’il l’avait fait ? Il y avait longuement pensé, et avait décidé que non. Il n’aimait pas perdre contre San. Ce n’était pas le fait de le voir réussir qui le dérangeait, non, il était même plutôt fier de lui. Mais il n’aimait pas toute l’attention qu’il recevait par la suite. Il était jaloux. Jaloux car lui aussi voulait cette attention ? Donc il avait fait une compétition de chacune de leurs activités.

Il aimait l’attention. Jusqu’à un certain point, cela le suffisait. Jusqu’au début de sa puberté du moins. Quelque chose de plus le démangeait. Il n’avait jamais su dire quoi, jusqu’il y a quelques semaines. Il avait d’abord ignoré cette idée, ne voulant pas l’accepter. Mais après avoir passé plusieurs heures à regarder son plafond, se remémorant les fois où il avait vu et entendu les réactions de San à chaque fois qu’il le touchait, il était bien obligé d’affronter ses sentiments. Il n’était pas jaloux de l’attention que San recevait. Il était jaloux car il voulait être le seul à lui en donner.

Après cette acceptation, il ne réussit pas à fermer l'œil. Encore plus de questionnement avait envahi son esprit. Donc il aimait San ? Est-ce que San ressentait la même chose ? Peut-être que lui ne voulait que du sexe…

Il réussit finalement à dormir quelques heures, jusqu’à ce qu’il fût réveillé par les vibrations de son téléphone sur sa table de nuit. Il l’attrapa et le mit directement sur silence. Il regarda tout de même ses messages, pour vérifier que ce n’était pas une urgence ; ça ne l’était pas. Mingi paniquait juste car il venait d’apprendre qu’il y avait quelque chose à rendre avant lundi, et qu'il lui restait maintenant seize heures et huit minutes pour le faire. Tu perds encore du temps, tu devrais commencer au lieu de te plaindre, avait remarqué Yunho.

Il déposa son téléphone et regarda le garçon qui était maintenant endormi sur son torse. Il fit une grimace de dégoût lorsqu’il remarque qu’un liquide chaud coulait le long de son abdomen, mais ne fit rien pour pousser le garçon. C’est que de la bave, on est plus à ça prêt, s’était-il dit. 

Il fixa son regard sur le sommet du crâne de son amant et commença à se perdre dans ses pensées. Devait-il confronter San ? Neuf heures un dimanche matin, ce n'est peut-être pas le meilleur moment. Mais s'il part et qu’ils recommencent cette routine de ‘on s’embrasse mais on n’en parle pas’, cela n'était pas forcément la meilleure des situations.

Il sentit le poids sur son corps se soulever et se concentra sur le garçon encore à moitié endormi s’étirant en face de lui.

<< Je ne pensais pas que tu étais ce genre de personne flippante qui fixe les gens dormir, avait-il dit à moitié en train de bailler. >>

Wooyoung ne répondit pas et le fixa inconsciemment, les sourcils froncés.

<< À quoi tu penses encore ? >>

Wooyoung ignora sa question et lui demanda à son tour :

<< San, c’est quoi ta couleur préférée ? >>