Chapitre 2 : Justin

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Le reste du trajet se déroula en silence. Le paysage devenait de plus en plus urbain tandis que les centaines de mètres défilaient sur le compteur du van. Toutes les fenêtres étaient grandes ouvertes, et l'air s'engouffraient par vagues d'air frais à l'intérieur, nous faisant un bien fou à nous, ados tranquilles qui profitaient de ce trajet pour nous reposer. Le van atteignait enfin Paris. Il s'arrêta dans une impasse qui ne présageait rien de bon. L'impasse de la charrue. Je m'étais toujours demandé pourquoi elle s'appelait comme ça, mais je crois que personne ne connaît la réponse.

Au bout, il y avait une plaque d'égouts tout-à-fait comme les autres. Cléopâtre la souleva puis s'engagea à l'intérieur. Merlin lui succéda, puis Lucie, moi et les autres. Comme d'habitude, il régnait toujours à l'intérieur une odeur de matière fécale des plus déplaisantes. Lorsque nous avons appris qu'il y avait peut-être des alligators dans les égouts de Paris, on s'est bien marrés, Cléopâtre et moi. Aucune bestiole est assez folle pour vivre dans un endroit comme celui-ci.

Nous allumâmes nos lampes torches et mirent les bottes en caoutchouc que nous avions porté dans nos sacs jusque là. Nous avions dû marcher deux fois plus longtemps que d'habitude car les pluies de chaleur avaient fait monter le niveau de l'eau à un tel point qu'il nous arrivait à la taille. Les bottes ne servaient donc plus à rien. Les sol et les parois des égouts étaient humides et couvertes d'une espèce de vase qui ne poussait que là. Un quart d'heure plus tard, notre petit groupe composé exclusivement d'andromèdes atteignit enfin son objectif. Nous nous arrêtâmes devant la treizième échelle que nous rencontrâmes, l'escaladèrent sans difficultés et poussèrent la plaque qui menait à l'Institut. Nous débouchâmes dans une cour fort semblable à celle d'un château.

Elle était immense et contenait un merveilleux jardin empli de végétaux inconnus, de fruits et de plantes hors-saison et hors-climat. L'air avait plein d'odeurs différentes et toutes nous ramenaient à de bons souvenirs. D'après Aristote, cela variait en fonction des personnes et de ce qu'elles préféraient. Pour moi, l'air avait une forte odeur de gâteau au chocolat tout droit sorti du four. Mis à part son odeur étrange, l'air était chaud et humide. Un vent doux soufflait. La lumière du soleil se reflétait sur les bâtiments blancs et donnait à la cour un aspect magique. Un chemin de graviers était encadré de buissons taillés à la perfection menait directement à un magnifique escalier de marbre blanc. Nous l'empruntâmes sans vraiment nous soucier de la beauté du lieu. Seule Lucie était réellement émerveillée. Il faut dire que moi aussi j'avais trouvé ça fantastique avant de vivre ici. Enfin, vivre... Tout le monde part un jour.

À dix-huit ans, tous les pensionnaires font un choix décisif dans leur vie. Comme ils ont tous une parfaite maîtrise de leur élément, alors il ne mettent personne en danger. Ils choisissent alors entre une vie de jeune totalement normale, c'est à dire une vie dans laquelle ils rentrent chez eux et fondent une famille. Cela s'appelle le Choix de Confort. L'autre possibilité est de rester pour combattre les personnes qui se servent de leur contrôle d'un élément pour faire régner la violence, le mal et la peur autour d'eux. C'est le Choix de Combat. La plupart de andromèdes choisissent une vie simple, sans douleur et sans stress de mourir chaque jour. Même s'il est rare qu'un andromède fasse le Choix de Combat, il n'est malgré tout pas impossible.

Lorsque mes parents ont appris ça, ils ont décidé de ne jamais dévoiler la vérité à Lucie sur ses origines. Je n'étais pas d'accord. Il fallait qu'elle soit au courant. Son ignorance sur le sujet peut aussi se dévoiler dangereuse. Toutes les personnes provenant d'une famille ayant des racines d'andromèdes font un jour leurs preuves, font un jour sortir leurs pouvoirs à un moment ou un autre. Plus cet instant est retardé, plus il sera violent pour les personnes qui entoureront le jeune andromède. Mon seul espoir était qu'elle découvre ses racines, et qu'elle laisse le moins longtemps possible ce désir de destruction croupir au fond d'elle. Moins les jeunes andromèdes y croient, moins leur contrôle d'un élément se dévoilera vite.

L'Institut AndromédaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant