Chapitre 5 : Cléo

5 3 0
                                    

Le lendemain matin, aux alentours de 5 heures 30, nous étions réunis tous les quatre dans le bureau d'Aristote. Ce dernier venait tout juste de finir son fameux discours de départ.

- Donc tout est clair pour vous ? demanda t-il.

- Oui, monsieur ! répondâmes-nous en cœur.

- Règle numéro un : Cette quête est un secret. Règle numéro deux : Ne vous séparez jamais. Répétez !

- Règle numéro un : Cette quête est un secret. Règle numéro deux : Ne vous séparez jamais ! scandâmes-nous.

- Bien. Maintenant que je suis rassuré, vous pouvez partir. Le van est à l'endroit habituel, Cléopâtre. Les sixièmes l'ont ramené avant-hier.

- Bien, monsieur, répondis-je.

- Balzac, Voltaire et Vivaldi. Vous pouvez commencer à partir, à charger les bagages. Cléopâtre, je vais te demander de rester encore un peu. J'ai deux mots à te dire.

Je me sens soudainement stressée. Qu'ai-je fait de mal ? J'ai beau chercher encore et encore, je ne trouve rien. Je n'ai rien à me reprocher.

- Je te sais inquiète. Pour Merlin. Tu pars avec ton autre frère, et l'abandonne en quelque sorte. Mais ce n'est pas parce que tu n'es plus là qu'il va être malheureux. Il a des amis. Et il n'est pas seul dans cette situation.

- Vous promettez de bien vous occuper de lui ?

- Je te le promets.

Je sentis alors un poids considérable quitter mes épaules. C'est vrai que j'étais inquiète. Merlin n'a pas l'habitude d'être seul. Mais maintenant... Je suis sûre qu'il sera bien. Aristote m'a donné sa parole, et je me promets que s'il lui arrive quoi que ce soit, je défie Aristote.

Le défi est un combat entre deux andromèdes. Si un andromède est défié, il ne peut pas refuser de combattre. À cause des Lois de Combat. Ces fameuses lois. Encore et toujours. Présentes partout. Tout le temps. C'est elles qui dictent notre conduite, qui dictent notre vie.

- Mais... Monsieur, demandai-je, pourquoi ne pas en avoir parlé avec Vivaldi ? Lui aussi est le frère de Merlin.

- Tout simplement parce qu'il m'aurait rejeté, expliqua Aristote. En me répétant que tout allait bien. Qu'il n'avait pas besoin de mon aide. Toi, tu ne rejettes pas mes conseils. Tu les écoutes, les analyses, vois s'ils en valent la peine.  Tu ne fais pas semblant. Parce qu'il n'y a rien qui m'inquiète davantage que quelqu'un qui fait comme si tout allait bien mais qui va mal.

- Je vois.

- Puisque l'on parle de Vivaldi, je le mets sous ta surveillance. Protège le et ne le lâche pas d'une semelle. Ce garçon a le chic pour se mettre dans des situations... Délicates.

Après avoir promis de surveiller mon petit Aaron, je sortis dehors pour aider les trois autres à charger les bagages.

Le ciel était noir et sans étoiles. Il faisait froid et le vent soufflait. Le brouillard nous empêchait à voir à plus de deux mètres. On ne pouvait pas voir à plus de deux pas devant nous. Bref, c'était des conditions idéales pour un départ en mission.

Pour pouvoir rejoindre les rues et ainsi pouvoir démarrer la mission pour de bon, nous dûmes emprunter un pont. Il semblait si vieux que j'avais l'impression qu'il allait lâcher sous le poids du van, si chargé qu'il était.

Selon les légendes que l'on raconte aux nouveaux - et par lesquelles je suis passée -, ce pont fut le point de départ de tout l'Institut.

Il y aurait eu un jour un château, habité par la plus belle princesse de l'époque : Lia. Cette dernière était demandée par tous les princes, de tous les royaumes.

Le prince du Royaume du Sud tenta sa chance en premier. Il arriva au château plein d'espoir mais repartit les mains vides : le père de Lia avait refusé de lui donner la main de sa fille. En colère, le prince tenta de mettre feu au château, car il contrôlait cet élément. Mais pas une brique ne bougea, pas une feuille ne prit feu.

Ce fut ensuite le tour du prince du Royaume des Mers. Lui aussi échoua. De rage, il tenta, en vain, d'inonder le château, en se servant de sa maîtrise de l'eau.

Tous les princes y passèrent : celui du Royaume du Nord, du Royaume du Ciel... Tous. Et tous tentèrent tant bien que mal d'attaquer le château avec leur élément. Rien n'y fit, le bâtiment demeura intact.

Un jour, le prince du Royaume des Montagnes décida de coopérer avec les autres princes et de détruire le château ensemble, sur un accord commun. Lors d'une bataille sanglante, ils parvinrent à détruire le château de celle qui fût l'amour de leur vie.

Personne ne sait comment les princes ont pu vivre après cela. Nous savons juste que les briques avaient en fait absorbé la puissance des éléments, et auraient donné naissance à de nouveaux êtres humains : les andromèdes. Aujourd'hui, les ruines seraient ensevelies sous l'Institut, cachées de tous.

Pour moi, même petite, cette légende a semblé stupide, nulle. Je n'ai jamais aimé le fait que la belle princesse meure à la fin. Mais j'ai participé à la diffuser, la raconter aux nouveaux. Parce que ça a beau n'être qu'une légende, c'est notre patrimoine. Tout ce que l'on a de notre histoire.

Le poids des roues faisait crisser les graviers. Les buissons étaient de sombres masses, indistinctes.

Rien ne bougeait.

Pour la première fois de ma vie, je me sentais une étrangère. Dans un van jaune, partant en mission, tandis que mon petit frère dormait paisiblement, pensant pouvoir déjeuner avec moi.

Je lui avais promis. Il y tenait tant... Je n'ai pas pu résister quand il m'a fait les petits yeux. Je pensais pouvoir tenir ma promesse...

Flash-back

- Steuplé Cléo ! Sois cool ! Je mange presque jamais avec toi ! Juste une fois !

- Non, c'est non ! J'ai déjà dit oui à Maxime.

- Tu le connais même pas, ce Maxime ! Tu veux déjeuner avec lui juste parce qu'il est beau !

- Quoi ? Non ! C'est faux ! avais-je répliqué, la peau d'une jolie couleur tomate.

- Mange avec moi et je t'embêterai plus.

- Promis ?

- Promis juré craché ! Pteu !

- Alors c'est d'accord.

- Toi aussi tu dois promettre !

- Moi ? Pourquoi ?

- Bah on sait jamais ! Tu ne peux plus changer d'avis, comme ça. On ne sait jamais, avec toi... T'es une vraie girouette !

- Hé ! C'est faux ! Je te promets que je déjeunerai avec toi demain. Pteu ! C'est bon, t'es content ?

Son sourire et le câlin qu'il me fit parla pour lui. À ce moment-là, j'étais certaine d'avoir fait le bon choix. Et j'étais aussi certaine de ne pas le regretter.

Fin du flash-back

Et dire que je n'ai même pas eu le temps de lui dire adieu. Je suis véritablement la pire sœur de l'univers.









L'Institut AndromédaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant