Chapitre II

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Un jour de pluie, le carillon annonça un client, aux alentours de seize heures.

- Bonjour.

C'était lui. Bien que j'eu été dans la réserve au moment où il est entré, je reconnus sa voix immédiatement. De plus, un parfum puissant se répandit dans la pièce. On aurait dit La Nuit de l'Homme, mais je n'aurais pas pu l'affirmer.

- Bonjour, répondis-je. Comment allez-vous ?

- Je me porte bien, merci, dit-il en repliant son parapluie. Je suis venu pour vous remercier.

Et, comme par magie, il sortit un bouquet de tulipes de derrière son dos. Je pris les fleurs et les posait sur le comptoir. Elles dégageaient une senteur douce et discrète, et leur couleur orange était éclatante.

- Je... Je suis un peu gênée... 

Il fronça les sourcils, son sourire tomba.

- Elles sont superbes ! renchéris-je, voyant qu'il semblait vexé par mon propos. Excusez ma réaction, je suis simplement un peu surprise... C'est très délicat de votre part, mais que me vaut ce cadeau ?

- Ma fille a obtenu une excellente note à son exposé, dit-il fièrement. Grâce à votre bouquin, que j'avais peut-être mal jugé.

Un sourire apparut sur mon visage, alors que je cherchais un vase dans lequel disposer les fleurs. Il y avait très peu de chances que j'en trouve ici, mais je n'avais pas encore fouillé tous les recoins de cette boutique.

Voyant qu'il ne bougeait pas et semblait attendre quelque chose, je remis les recherches à plus tard.

- Excusez-moi, ce n'est pas très poli de ma part de ne pas vous demander si vous aviez besoin d'autre chose...

- Rien du tout, merci. Je vois que vous cherchez un vase où disposer mes fleurs... Si je peux me permettre, je connais un endroit où je pourrais en trouver un qui se fondra magnifiquement dans cette boutique. Que diriez-vous de m'y accompagner à la fin de votre journée ?

Je réfléchis un instant. En regardant ailleurs, il remit une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Je repensai à sa réaction lors de sa première visite, à la manière dont sa colère m'avait rendue nerveuse. Mais aujourd'hui il semblait dans un bon jour.

- Est-ce que cet endroit se trouve loin d'ici ? Si c'est accessible à pieds, je peux vous y rejoindre.

- A vrai dire, c'est un magasin d'antiquité situé à quelques kilomètres hors de la ville. A quelle heure terminez-vous ? Je viendrais vous chercher et je vous y emmène.

Mon cerveau me fit signe que cet homme avait quelque chose de spécial. Je ne pouvais pas déterminer si c'était bon ou mauvais, mais je ne demandais qu'à le découvrir.

- Je termine dans une heure environ. Ce sera avec plaisir.

- Très bien.

Par-dessus le comptoir, il attrapa ma main et, très délicatement, la porta à ses lèvres pour y déposer un léger baiser. Si ce n'était pas déjà le cas, j'étais désormais gênée. Mais quelque part, je ne pus m'empêcher d'apprécier cette délicate attention. Cela faisait longtemps que l'on ne m'avait pas invitée à sortir, et malgré moi, je regardai ma montre très régulièrement, espérant que l'heure s'écoule vite.

A dix-sept heures précise, une voiture de sport se gara devant le magasin. Même si les vitres étaient teintées, je pus deviner que c'était lui qui revenait. Je sentais son aura si particulière approcher. Il poussa délicatement la porte.

- Re-bonjour. Comment s'est passé le reste de votre journée ?

- Très bien, dis-je en enfilant mon manteau. Allons-y, je n'ai plus qu'à fermer la boutique.

Je fis tourner la clé dans la serrure. Il m'abrita avec son parapluie jusqu'à sa voiture, et m'ouvrit la porte pour que je puisse m'installer. Je ne pus m'empêcher de rougir. Je me sentais comme une princesse.

Il me rejoignit et pris place au volant, remettant ses cheveux désormais mouillés en place. Il se regarda un instant dans le rétroviseur, puis démarra en silence.

La voiture était très confortable. Au bout de quelques minutes de trajet, je sentis une douce chaleur dans mon dos, et je devinai que cela venait du siège. Il conduisait avec aisance, ne se souciant même pas de ses gestes. C'était comme si les autres voitures lui ouvraient la voie, que la route était à lui.

- Parlez-moi de vous, dit-il alors qu'il s'engageait sur l'autoroute.

- Je... Je mappelle t/p. J'ai 21 ans et je travaille à la librairie depuis quelques temps. Et...

Je m'interrompis, me demandai si je n'allais pas l'ennuyer en parlant trop.

- Et vous ? j'ai rapidement poursuivi. Vous ne vous êtes pas présenté.

Il eut un petit regard dans ma direction, puis il sourit timidement.

- Je m'appelle Tom. Je me suis installé dans la région très récemment pour étendre mon activité commerciale. Mais parlons d'autres choses que du travail, vous devez avoir envie de penser à autre chose.

Je me dis en moi-même qu'effectivement, j'aimais sortir du cadre professionnel une fois mes horaires respectés.

- Où allons-nous, au fait ? L'endroit n'est pas trop loin, j'espère ? Je ne voudrais pas devoir payer un taxi les yeux de la tête... soulignai-je en pensant à mon petit salaire.

- Ne vous en faites pas, t/p. Je vous reconduirais chez vous lorsque nous aurons trouvé ce que vous cherchez.

Le trajet dura encore une vingtaine de minutes où nous échangeâmes quelques mots. J'appris qu'il venait de l'autre bout du pays, car après son divorce, il avait jugé bon de s'éloigner un maximum de son ex-femme. Il faisait du commerce et il espérait étendre son activité à l'international. Mais surtout, je fus forcée de constater qu'il semblait avoir un train de vie très confortable. Je remarquai, en regardant ses mains, qu'il portait une montre que je n'aurais pu payer, même avec toutes mes économies.

J'eus la confirmation de mes hypothèses quand il se gara dans l'allée d'une immense bâtisse. Aussitôt, un homme vêtu de noir apparut et se posta à côté du véhicule. Tom sortit et lui tendit les clés.

- Tenez, Alfred, vous pouvez la garer avec les autres, au sous-sol.

J'observai la scène comme s'il s'agissait d'un rêve. Nous ne vivions définitivement pas dans le même monde.

Il vint m'ouvrir la porte, m'offrant immédiatement le parapluie.

- Mais où sommes-nous ? j'ai demandé en suspectant la réponse. Vous m'aviez parlé dun magasin d'antiquités...

- Pardonnez-moi, sincèrement, t/p. Je ne savais pas quoi inventer pour vous convaincre de m'accompagner dans ma demeure. Si cela peut quelque peu me racheter, je peux vous assurer que j'ai réellement un magnifique objet à vous proposer.

Je marquai un temps de pause. Bien que jusqu'à maintenant il avait eu une conduite digne d'un véritable gentleman, je notifiai qu'il m'avait menti. Avec un petit soupir, je le suivi à l'intérieur.

L'endroit était splendide. Tout était richement décoré, de façon moderne, avec des équipements dernière génération. Les pièces lumineuses étaient très accueillantes.

- Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire dans mon salon privé, là où se trouve ma collection.

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