Tous Anti Connard ~ partie II

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Ce chapitre est la suite de la nouvelle "Tous Anti Connard" disponible sur le profil de @crazy-write . Il est écrit du point de vue d'Ethel. Pour lire l'histoire dans le bon ordre, lisez la partie I de son recueil, puis la partie I du mien, et caetera.

Rappel de la partie précédente : Ethel, Cassandre et Raphaël vont interroger les élèves du lycée pour tenter d'obtenir des indices sur l'identité du Connard. Ethel questionne un groupe d'adolescentes mais celles-ci ne semblent pas au courant de l'affaire...

- Non, je n'ai pas reçu d'alerte de TousAntiConnard, me répond une fille de petite taille après un instant de silence gêné.

- Moi, si ! lance une autre en se levant du banc. L'application m'a prévenue que j'avais croisé un "Menteur" alors que je me rendais au lycée.

Après cette déclaration, toutes y vont de leur commentaire dans un déluge de mots, si bien que j'envisage de prendre congé. Mais une question me retient :


- Pourquoi veux-tu savoir cela ? me demande la première adolescente avec un regard méfiant.

Je lui explique que l'annonce d'un Connard parmi nous a fait le tour de l'établissement en cette matinée. Elle m'assure que ni elle ni ses amies n'ont été informées par une notification. Cela m'étonne : en général, dès qu'un utilisateur de TousAntiConnard est qualifié d'un adjectif qui dénote particulièrement des autres (qu'il soit positif ou négatif), l'application prévient automatiquement toutes les personnes proches de cet individu, qu'elles aient ou non activé une alerte pour cette qualification. "Connard" étant tout spécialement extrême, je m'attendais à ce que tout le lycée soit averti, mais ce n'est visiblement pas le cas.

En faisant le tour des autres tablées avec la même question, je remarque rapidement qu'assez peu d'élèves sont au courant de la "menace Connard". Comment cela se fait-il ? Alors que je me creuse les méninges, une évidence m'apparaît : tous ceux qui ont été notifiés sont en première ! Je jubile intérieurement. "X", le harceleur anonyme, a commis une erreur : il a précisé son niveau scolaire sur son profil TousAntiConnard ! Ce sont donc seulement les élèves de première qui ont été avertis de la proximité d'un Connard.

Ravie de ma découverte, je file vers les toilettes pour l'annoncer à Cassandre. Cette dernière est parvenue à la même conclusion que moi et en est tout aussi réjouie. Les mailles du filet se resserrent ! Nous redescendons cependant de notre petit nuage en réalisant qu'il y a plus d'une centaine d'élèves dans notre niveau. Ça ne va pas être si facile de trouver notre cible dans cette gigantesque peuplade... Nous marchons en direction du foyer pour aller informer Raphaël de notre trouvaille. En slalomant entre les baby-foots, je remarque que la tension règne. Les adolescents s'apostrophent avec véhémence, s'accusant les uns les autres d'être le fameux Connard. La curiosité et l'excitation du début de journée ont fait place à une profonde méfiance. Malgré mon étonnement, je les comprends : qui aurait envie de se découvrir ennemi public numéro un, ou d'apprendre qu'il s'agit de son meilleur ami ?


Je repère notre coéquipier, en pleine partie avec ses amis, et lui explique ce que nous avons appris. Sa curiosité semble n'être qu'amplifiée par la théorique proximité de celui dont tout le monde parle. Cependant, il est tout aussi désarçonné que nous devant l'ampleur de notre champ de recherche. Nous décidons de réfléchir à la prochaine étape de notre plan lors du cours de sport, qui commence dans dix minutes.

Un peu plus tard, ma voilà en train de courir aux côtés de Cassandre sur le terrain de revêtement rouge. Des nuages de vapeur sortent de ma bouche tandis que j'expire. Après la pluie, c'est le froid qui nous accueille pour nos tours d'endurance hebdomadaires. Nous commençons à discuter de notre future stratégie en veillant à garder l'allure, mais renonçons bien vite : course et parole ne font pas bon ménage, et nous sommes rapidement gratifiées d'un point de côté. Alors que nous ralentissons, j'observe Raphaël qui me dépasse. Concentré sur sa foulée, il est comme perdu dans ses pensées et regarde droit devant lui. Il double vite la plupart de nos camarades. Malgré sa vitesse, on n'entend pas l'impact de ses chaussures. Je le croirais sur un tapis nuageux flottant juste au dessus du sol. Surprise de mes propres pensées poétiques, j'interromps ma contemplation pour ne pas percuter mon amie. Heureusement, celle-ci n'a pas remarqué que je fixais le garçon de notre classe.

Après le sport, à la pause midi, Raphaël s'approche de moi, les yeux brillants.

- Ethel ! m'apostrophe-t-il. J'ai eu une idée pour notre enquête, reprend-t-il moins fort. On pourrait organiser une fête en invitant tous les élèves de première en précisant "Connards interdits" et en insistant pour que tout le monde soit présent. Il nous suffirait de regarder qui est absent pour le piéger ! En plus, cela ne surprendra personne puisque je connais peu de monde qui accepterait de passer une soirée en compagnie d'un Connard !

- Mais le Connard a plutôt intérêt à venir s'il ne veut pas se faire démasquer, rétorqué-je, dubitative.

- C'est à ce moment que nous interviendrons ! continue Raphaël sans se démonter. Si le Connard vient, il ne prendra pas son téléphone, sinon l'application avertira tous les invités. Nous fouillerons alors chaque personne pour trouver qui n'a pas le sien, par exemple sous prétexte de faire une soirée "déconnectée" où nous récupérerions tous les portables pour les mettre de côté.

- C'est une excellente idée ! lui dis-je. Ce sera assez compliqué de trouver une date à laquelle tout le niveau est disponible, mais nous avons toujours le week-end. Que penses-tu de samedi soir ? La salle des fêtes est disponible.

- Ça me paraît convenir, répond mon interlocuteur. Je vais envoyer à tous mes contacts une annonce sur les réseaux sociaux et leur demander de la relayer.

Il s'apprête à rejoindre Gabriel qui l'attend un peu plus loin, mais s'arrête et se tourne à nouveau vers moi. Il me regarde un instant comme s'il allait dire quelque chose, puis se ravise et s'éloigne d'un pas hésitant. Tandis que je marche en direction de Cassandre, qui revient du CDI, je m'interroge sur son étrange réaction avant que mes pensées stratégiques ne reprennent le dessus. J'espère que nous réussirons à trouver X !

* * *


Quelques jours après, me voici devant la salle des fêtes en compagnie de Cassandre, Raphaël et une multitude d'élèves de première. En faisant le tour des convives qui entrent pour saluer tout le monde, je constate avec joie qu'il ne manque personne par rapport à ma liste. Heureusement que notre lycée n'est pas très grand, sinon il aurait été très complexe d'inviter autant de personnes et de s'assurer de leur présence. Des petits groupes se forment dans la salle pour discuter de tout et de rien, ceux qui étaient chargés de ramener de quoi manger se rassemblent autour des tables pour y disposer la nourriture.


Tandis que les plus affamés remplissent déjà assiettes et verres et que d'autres mettent de la musique ou sortent des jeux, mes deux compagnons d'enquête et moi nous séparons pour procéder à la mise de côté de tous les téléphones. Tout en gardant ma liste d'invités à portée de main pour n'oublier personne, j'argumente auprès de mes camarades sur les vertus d'une soirée déconnectée. Les premiers acceptent rapidement de se séparer de leur téléphone, et Cassandre montre l'exemple en déposant le sien dans une caisse à côté des porte-manteaux. Je l'imite puis circule parmi les convives avec la caisse pour récupérer tous les portables pendant que mon amie et Raphaël font de même avec d'autres boîtes. Nos amis se montrent coopératifs et les moins enclins à la déconnexion se laissent facilement convaincre.

Je parcours ma liste : il manque les téléphones d'encore une dizaine d'élèves. Je souris à Cassandre, lui faisant comprendre que c'est presque dans la poche, lorsque je me rend compte qu'il n'y a nulle trace des élèves en question... Zut, ils doivent être sortis aux alentours du bâtiment ou bien aux toilettes. Soudain, Gabriel, l'ami de Raphaël, m'interpelle. Il semble inquiet et me regarde étrangement.

- Euh... Je vais y aller, je raccompagne Raphaël à l'internat avec Paul et quelques autres. Il a trop bu... soupire-t-il en jetant un œil derrière lui.

Je suis son regard et aperçoit Raphaël qui tient à peine debout, soutenu par ses amis. Je réprime une envie subite de me frapper la tête contre un mur. Ce n'est pas possible, on n'y arrivera jamais comme ça... Tandis que le groupe de garçons quitte la salle des fêtes, je songe amèrement qu'il est maintenant impossible de trouver celui qui ne cesse de voter sur mon profil TousAntiConnard ce soir. Avec ces quelques personnes parties avec leurs téléphones, plus moyen de savoir qui était le seul - ou la seule - sans le sien. X est peut-être parmi cette bande d'amis...

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