𝟹 | 𝚝𝚛𝚘𝚒𝚜

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Bonne lecture !

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— Bien le bonjour, Jean !

— Je t'en supplie, ne crie pas.

Dans l'encadrement de la porte, alors que la clochette vient de retentir, Eren hausse un sourcil avant de s'avancer. Il a mis un short, cette fois, un vieux bermuda uni de mec qui fait du camping, et Jean trouve ça injuste que ça lui aille bien.

Il pose ses doigts sur ses tempes, et baisse les yeux sur le comptoir devant lui. Il n'a même pas le courage de nettoyer les quelques morceaux de tiges coupées qui traînent. Sa journée a été longue, beaucoup trop longue, et il a au moins maudit Marco onze fois rien que dans le courant de la matinée. Marco, et cette fille blonde mal lunée qu'Ymir a invitée, et qui apparemment sait avaler des shots comme personne.

Et bien sûr, personne n'a prévenu Jean avant qu'il ne lui propose un concours, et termine dans les chiottes à trois heures du matin.

Eren est devant lui, tout à coup. Avec son grand sourire à la con et des cheveux décoiffés.

— Mauvaise journée ?

— Mauvaise nuit.

— Oh.

Et ce n'est pas un « oh » sec mais plutôt un « oooh » avec des sourcils qui remuent. Jean essaye de l'ignorer, alors il descend le reste de son verre d'eau, qu'il a rempli toute la journée pour remplacer tout l'alcool qu'il a avalé par de l'eau claire et un peu calcaire. Les conseils de Google, quand Jean a été enfin prêt à regarder un écran avec ses yeux douloureux et sa tête écrasée par la gueule de bois.

À présent, le regard d'Eren paraît tellement amusé qu'il a juste envie de mourir, et de le tuer.

— Tu t'es pris une murge.

— Non.

Il sait ce qu'Eren va faire à la seconde où il ouvre la bouche, alors Jean lève brutalement la main pour la poser sur les lèvres de cet abruti en sifflant tout bas :

— Cri comme un crétin, et je te jure que je fermerai en avance tous les vendredis juste pour ne plus te voir.

Il voit bien que l'amusement d'Eren redouble, mais décide de tout de même reprendre sa main (pour des raisons évidentes, qu'il va quand même exprimer car son esprit est en train de hurler avec un mégaphone « MAIN SUR SA BOUCHE, PAUME SUR SES LÈVRES »).

— Tu n'es qu'un sale gamin.

— Et toi tu bois comme un trou en pleine semaine. Pas très malin.

— C'est pour avoir tout le week-end pour décuver. Une technique comme une autre.

— Je.... ça me coûterait trop de reconnaître qu'il y a une certaine logique.

Cette fois, c'est Jean qui sourit discrètement. C'est un peu toujours comme ça avec Eren : ils s'entendent bien deux minutes, puis se tapent un peu dessus, et l'entente cordiale revient. Et Jean ne veut pas reconnaître à quel point c'est agréable, à quel point il voudrait le voir passer un peu plus souvent, à quel point il voudrait avoir le courage de lui demander son numéro.

Mais il ne le fait pas, car même si ce qu'Eren Jaeger fait ressemble à du flirt, il possède une copine qu'il aime apparemment assez pour dépenser presque trente balles tous les vendredis. Et pour sa défense, Jean est pratiquement certain qu'Eren est du genre à flirter avec n'importe qui sans s'en rendre compte.

Ça a l'air de coller au personnage.

— Comme d'habitude ? Demande-t-il au bout de quelques secondes où Eren ne dit rien et se contente de le fixer.

Un hochement de tête, et il tourne les talons pour aller chercher le bouquet. Cette fois, comme les clients étaient rares aujourd'hui, il a eu le temps d'attacher des rubans colorés autour des tiges et de l'emballage (et non, il ne s'est pas presque jeté sur son fournisseur en voyant ce ruban bleu-vert qui ressemble beaucoup à la couleur surnaturelle des yeux de l'autre imbécile tatoué).

Quand il revient, Eren s'est penché par-dessus le comptoir pour essayer de lire son carnet à rendez-vous.

— Je te fais une photocopie, si tu veux, raille Jean en déposant le tout devant son nez un peu sèchement.

— Désolé, marmonne-t-il en se redressant (et en ayant l'amabilité de paraître gêné). T'as pas mal de clients, en fait.

— Cette boutique marche très bien. Merci pour la confiance.

Il sort la machine à carte bleue, et fait en sorte que le prix s'affiche dessus avant de le tendre à Eren. Ce dernier se racle la gorge, se redresse, et semble retrouver un peu de son courage quand il dit :

— Je me disais que ça serait bête que tu sois obligé de fermer.

— Fermer ?

— Oui, tu sais, la clé sous la porte. Et tu serais obligé de partir. Et moi.... je pourrais plus venir.

Il ne dit pas « acheter mes fleurs », ni « je devrais me trouver un autre fleuriste », mais simplement « je pourrais plus venir » et Jean sent quelque chose de lourd lui tomber dans l'estomac tout en laissant un bruit ridicule remonter dans sa gorge.

Eren hausse un sourcil. Jean marmonne « gueule de bois » comme s'il ne vient pas de faire le même bruit qu'une pucelle.

C'est ridicule. Personne ne peut être si canon que ça, assez canon pour le transformer en midinette amoureuse.

— Merci, dit finalement Eren en reprenant le bouquet.

Et même si Jean se force à ne pas l'attendre, il soupire en entendant :

— Bon week-end, Jean !

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Des bisous !

Ain't nothin' but a heartache || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant