𝟐𝟖𝟕𝟐 𝐌𝐈𝐋𝐄𝐒 [𝐂𝐢𝐞𝐥𝐨𝐢𝐬]

09 | 𝐋𝐎𝐒𝐓

Les paysages ruraux de la Californie défilaient à travers la fenêtre. Ciel, habitué à s'y agglutiner lors des longs trajets, avait hérité de la place côté couloir, détail qui participait amplement à son dépit passager. Le rythme effréné des batteries du morceau Back in Black d'AC/DC provenant de la radio du véhicule lui martelait le crâne et il ne pouvait se résoudre à y trouver un quelconque agrément.
Il dévia un regard furtif vers son voisin qui avait fermé les yeux, le faciès paisible, des écouteurs enfoncés dans ses oreilles et les mains repliées sur le boîtier de son baladeur.
Qu'est-ce qu'ils avaient tous à parader avec leur walkman nouvelle génération ? Il se morfondit quelques instants sur lui-même tandis qu'une pensée amère s'envolait vers sa propre radiocassette, tristement abandonnée au fond de son placard en Pennsylvanie.

Alors qu'il n'y croyait plus, les roues du car semblèrent décélérer progressivement puis se stabiliser dans un crissement sonore, atteingnant le point mort.
Ciel jeta un œil à l'extérieur et aperçut les prémices de ce qui paraissait être une étendue d'arbres gigantesques s'élançant vers l'éther.

L'arrêt brusque du véhicule ramena l'agitation dans le bus. Sans attendre les consignes des animateurs, les enfants commencèrent à se détacher, partant à la recherche de leurs sacs positionnés sous les sièges ou dans les casiers en hauteur prévus à cet effet. Certains se chamaillaient, se poussaient sans scrupules pour arriver à voir à travers les vitres. D'autres noyaient déjà l'axe central afin de sortir le plus rapidement possible de l'autocar. De sa voix portante, la directrice parvint à ramener un semblant de calme. Elle notifia à chacun de retourner à son siège respectif sans faire plus de raffut. Il fallut un certain temps pour que l'autorisation de désengorger le car leur soit accordée. Ce contretemps résultait du fait que les adultes avaient entrepris de sortir en amont tous les bagages volumineux disposés dans la soute, tentes et sacs de couchage compris. Ces derniers constituaient maintenant un tas difforme, à l'extérieur, jonchant la terre humide de la fôret.

- Récupérez votre sac et rejoignez-moi près de ce grand arbre. Leur somma Madame Nash alors qu'ils descendaient les uns après les autres les marches étroites du véhicule.

Parole plus simple à dire qu'à mettre en œuvre pour le bleuté. Le sien avait été englouti sous des dizaines d'autres, indiscernable à l'œil. Et lorsqu'il l'eut enfin trouvé, il dû batailler cinq bonnes minutes pour réussir à le sortir du bourbier dans lequel il était emmêlé. Prenant le soin de vérifier que personne n'avait assisté à cette scène humiliante, il glissa son sac sur ses épaules et s'empressa de rejoindre en toute discrétion le groupe d"élèves qui s'était formé face à la directrice. Tous paraissaient pantois devant la végétation pittoresque de l'endroit. Madame Nash enclencha ses explications sans tarder.

- Ces immenses arbres que vous pouvez apercevoir tout autour de vous sont des séquoias à feuilles d'if. Ils comptent parmis les végétaux les plus hauts du monde et possèdent la particularité de ne pousser que dans cet endroit du globe. La circonférence de leur tronc s'élargit de cinq centimètres chaque année et il peuvent même en gagner plusieurs dizaines par mois ! De quoi faire pâlir d'envie les plus petits d'entre-vous, n'est-ce pas ?

Cette remarque ironique n'obtint pas la meilleure réception auprès du public d'adolescents, davantage intrigués par le nouvel environnement que son discours barbant.

- Le reste des animateurs et moi-même avons prévu une petite activité afin de stimuler votre intérêt. Reprit-elle en consultant son bloc-notes. Il s'agit d'un jeu de piste qui débute quelques mètres plus loin. Des collègues présents sur les lieux hier matin ont disséminé des indices un peu partout le long du parcours pédestre que nous allons emprunter. Par équipe de deux ou trois, vous aurez pour mission de les collecter et ainsi avancer dans l'énigme. Je vous laisse l'embarras du choix quant à la composition de ces dernières. Gardez simplement à l'esprit que la forêt, si paisible semble-elle, est un environnement sauvage et qu'il est préférable de rester grouper. Évitons les dispersions.