TW mentions de deuil
Texte écrit dans le cadre du Big Bang de mars 2021 sur le serveur Discord Shukimo. Thème : l'espace.Depuis quelques jours, elle erre dans la nuit.
Elle n'avait jamais réalisé que celle-ci était aussi noire, mais peut-être était-ce parce qu'elle ne l'avait jamais vraiment regardée en face. Elle levait rarement les yeux, avant, mais elle avait toujours imaginé que derrière le masque de lumière et de pollution, se trouvaient des étoiles.
Aujourd'hui, son regard se perd sans cesse là-haut, parce que c'est là-bas que Chung-ae a choisi de partir — et que depuis ce moment, elle la cherche. Elle la cherche avec l'incompréhension d'un verre brisé, dont tous les fragments sont épars au milieu d'une eau qui s'étend et qu'on sait ne jamais pouvoir rattraper. C'est cela qui est le plus difficile, dans un verre qui choit au sol et éclate — ce n'est pas le verre en morceaux, c'est l'eau.
L'eau est partout, partout là où elle marche, froide entre ses orteils. Les débris de verre entaillent sa peau ; son sang se mélange à l'eau noire dans laquelle le ciel uniforme se reflète. Un ciel noir, sans astres, où elle ne trouve ni Chung-ae, ni personne.
Les étoiles qui veillent sur ceux qu'elles ont laissé, les étoiles qui agissent comme des boussoles pour les marins, tout cela semble être une illusion refusée aux gens comme elle — ceux à qui il ne reste rien. Ceux qui ne savent pas où aller.
C'est sa faute. D'avoir toujours soutenu sa meilleure amie, elle a perdu l'affection des autres. Elle ou elles, le dilemme. Cela a été Chung-ae, parce que Chung-ae n'avait commis que le crime d'être première de classe, et que ce n'en était pas un.
Chung-ae était intelligente, mais drôle, tellement drôle que parfois, dans la chambre de son amie, Mi-young finissait en larmes à force de rire. Aujourd'hui, ses larmes sont silencieuses. Elles font des cercles sur l'eau noire dans laquelle l'encre du ciel s'étale, toujours plus obscure.
Personne ne comprend. Personne n'écoute. Personne n'entend. Personne n'est là. Pas d'étoiles au firmament.
Elle a couru, parce que c'est ce qu'elle sait le mieux faire, courir contre la montre, courir en endurance ; elle a toujours été très forte dans cette discipline. Mais maintenant, elle marche, parce que même elle s'essouffle en l'absence de ligne d'arrivée.
Dans la nuit, lorsque tout est fait de ténèbres, comment savoir quelle direction prendre ? On ne peut pas se guider avec le Soleil qui se lève, ni avec la Petite Ourse, ni avec Vénus, ni — même des étoiles si anciennes, là pour tous depuis des millions d'années, ont déserté son ciel.
Elle se sent flotter, arrachée à ce qu'elle a toujours connu, entraînée dans le ciel noir.
Est-ce que ça a de l'importance, l'endroit où le vent l'entraîne ? Est-ce que ça a de l'importance, si plus haut, on ne trouve pas d'oxygène ? Est-ce que ça a de l'importance, que ses larmes gèlent et figent ses yeux sur son chagrin ?
La voix défie toutes les lois de la physique lorsqu'elle lui touche l'oreille — si haut, on ne devrait pas pouvoir émettre un son.
— Le mot « comète » vient du grec ; ça veut dire « astre chevelu » dans cette langue. Parce que l'atmosphère brillante qui entoure la roche et les gaz glacés sublimés fait comme une chevelure de lumière. C'est comme ça qu'on appelle ce halo : la chevelure. J'aimerais bien en avoir une comme ça aussi ! Ça m'irait bien, non, les Comets ? Mais je risquerais d'avoir le crâne grillé ! Mi-young ne comprend rien, alors que le papier noir sur lequel elle s'égare se couvre de taches de peinture en forme de spirale, de toutes les couleurs. Les cheveux de l'autre personne — homme ? femme ? — ne brillent pas ; ils sont tissés d'une soie bleue aux extrémités violettes, très douce à la vue et sans doute au toucher.
C'est son sourire qui est fait de lumière, d'une lumière à la douceur de velours qui enveloppe Mi-young lorsqu'iel tourne son visage vers elle. Une lumière qui essuie les larmes sur ses joues et efface l'obscurité du ciel.
Il n'y a plus que des étoiles, soudain, et des galaxies de toutes les formes et toutes les couleurs, des comètes qui filent vers la Terre, qui remplissent les ténèbres comme si ces dernières n'avaient jamais existé. Mais la nuit a été noire, et c'est pour ça — Mi-young ouvre grands la bouche et les yeux.
Elle a l'impression qu'elle va suffoquer ; elle sait que par ici, ce qu'on respire est mortel. Mais l'autre sourit toujours, et c'est aussi de l'oxygène.
— Comment tu t'appelles ?
La voix est douce, elle aussi, et parsemée des mêmes notes que celles qui s'élevaient lorsque Chung-ae et elle riaient.
— Mi... Mi-young...
— Ah oui ? Avec quels hanja ?
— Beau... et fleur...
— Je crois que celles que je préfère, c'est celle de cerisier. J'aime aussi leur sépale. Je m'appelle Haniel !
Un nom d'archange, évidemment. Comment aurait-il pu en être autrement ?
— Mon vrai nom, c'est Tae-yong !
Elle l'absorbe comme un secret inestimable, trouvé par hasard au creux de l'espace infini — un tel privilège.
Haniel tend soudain sa main gauche vers elle. Elle y remarque une trace de brûlure qui l'inquiète aussitôt.
— Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu t'es fait ?
— J'ai voulu attraper un bolide rasant à mains nues, mais c'était idiot. Il ne savait pas encore que j'étais un ami ; il a eu peur, c'est normal. Maintenant, je me présente d'abord. Tu connais mon nom. Je peux t'attraper, toi aussi ?
À nouveau, elle ne comprend pas vraiment ce qu'il dit, mais elle sait ce qu'elle veut répondre, quoi qu'il lui demande.
— Oui... Oui.
Il lui sourit à nouveau ; leurs doigts se mêlent et il la tire vers elle. Elle tourne avec lui entre deux bras de galaxie roses, pourpres. C'est comme si la pesanteur revenait en même temps qu'elle l'envolait. C'est absurde, impossible et enivrant ; Mi-young rit.
« Aime, c'est urgent. »
Perdue, puis trouvée au milieu de l'espace, c'est ce qu'elle fait.
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Textes annexes sur 3rd Star⭐
General FictionRecueil de textes annexes rattachés au jeu I-dolls 3rd Star⭐ Edition, se focalisant exclusivement sur les membres de 3rd Star⭐. Tout est ©️Shukimo Studio.