Chapitre trois

11 2 1
                                    


Les yeux clos, je méditais dans le silence ambiant. Le bruit du vent sifflait à mes oreilles. L'odeur iodée de la mer emplissait mes poumons. Les heures passaient sans que je ne change de position. Depuis trois jours, de mon réveil à mon coucher, je venais m'asseoir ici. Je ne prononçais plus un mot. Je restais silencieuse. Le chaos de mon esprit envahissait toute mon âme. Ce poison de l'inconfort mental grignotait chaque partie de mon corps.

Mes cheveux, tressés, ne flottaient pas sous les assauts du vents. Mes yeux étaient fixés sur un point perdu dans l'immensité de la mer de Létos. Partout et nulle part à la fois. Cette étendue d'eau turquoise me faisait me sentir minuscule. Naviguer sur ces eaux ne semblait pas chose aisée, mais j'avais pleine confiance en Rana et son équipage. L'Adventure Galley sillonnait les mers déjà bien avant ma naissance. Le cap fixé, nous nous laissions porter par la force du vent. Les voiles étaient tendues de telle sorte à conserver la puissance naturelle de l'air. Le soleil m'éblouissait légèrement mais je savourais la chaleur de ses rayons sur ma peau.

Vêtue de ma tenue de voyage, je n'avais ni l'envie ni le luxe de me draper de robes en soie ou de tenues affriolantes. Ma chemise jaunissait à cause des assauts du temps mais mon plastron de cuir restait le même. Je n'avais pas enfilé mon harnais mais j'avais caché de courtes lames dans mes bottes. Je n'étais pas en danger sur ce bâtiment mais prudence est mère de sureté.

Un bruissement de tissu se fit entendre et la présence de l'elfe s'imposa dans mon esprit. Je repris possession de mon corps et rétractai mon pouvoir qui se nourrissait de l'intensité de la force primitive de l'eau. Utiliser la magie nécessitait toujours un prix. L'énergie physique était la première impactée.

— Puis-je m'asseoir ?

Je hochai la tête, restant silencieuse, les yeux perdus dans la contemplation du paysage. Je sentis l'elfe s'asseoir à mes côtés. Il me fixa, de ses orbes améthystes durant de longues minutes. L'intensité de son regard me brûlait la peau. Je savais exactement ce qu'il allait me dire mais je sentais que son esprit restait fermé au mien. Après tout j'avais fermé le mien depuis trois longues journées. Trois longs jours de solitude profonde à penser uniquement à moi. Cela ne changeait pas tant de d'habitude. Je me questionnai à chaque instant sur ma légitimité, sur mon pouvoir. Qui étais-je ? Que voulais-je être pour moi-même ? Qui voulais-je être ?

L'arrogant prince d'Arcos avait raison. J'étais utopiste. Mais l'espoir que les six royaumes ne soient pas entachés par la noirceur de la Golda me faisait vibrer. J'espérais vraiment réussir à convaincre les héritiers. Je voulais récupérer mon royaume. Je voulais être à la place de mes parents. Je voulais tout faire pour qu'ils soient fiers de moi. Je voulais aider Astal et Tomas à retrouver leurs trônes, volés par l'Usurpateur, il y a déjà trop d'années.

Je demeurais la plus jeune des héritiers. Nous étions sept. Astal de Volta. Tomas de Grinos. Astrée de Xéria. Kaï d'Arcos. Isil et Cirdan de Thyminie. Eleanor d'Elios. Sept noms, six royaumes, un destin commun. Nous étions destinés à gouverner ensemble. Nous étions destinés à être les figures d'Astrada. C'était inscrit sur les murs de l'Eldrade, le temple sacré. L'étoile à sept branches. Le siège de tous les pouvoirs. Le siège du Pouvoir.

Astrée demeurait à ce jour la seule héritière à m'apporter son soutien. Xéria m'avait recueillie. Le Roi Najim et la Reine Anaya avaient été les amis les plus proches de mes parents. Après tout ma mère, Diane, était la soeur de Najim. Elle avait été Diane de Xéria avant de devenir Diane d'Elios. Lors de l'invasion du royaume, il y a quinze ans, mes parents m'avaient confiée à Othar en lui demandant de m'amener à Xéria. J'y avais vécu de mon huitième à mon quatorzième anniversaire. Sept années plongée dans les intrigues d'une des plus grandes cours d'Astrada.

Le poids du destin : l'héritièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant