Chapitre cinq

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 La première chose qui me venait à l'esprit concernant le prince était qu'il parlait beaucoup. Il était vraiment bavard. Ses paroles n'étaient pas vides de sens et d'intérêt mais le chant de sa voix suave m'agaçait autant qu'il m'attirait. En plus d'être un puit de sciences, il était un excellent orateur. Il avait ce ton propre à ceux qui ont l'habitude de diriger. Le chemin se faisait dans la plus grande tranquillité, les arbres avaient cessé toute agitation. Cela était sûrement du fait de leur prince, qui nous accompagnait. Nous n'étions pas des ennemis. Nous serions des alliés et un jour, je l'espérais, des amis. Les elfes étaient favorables aux alliances, surtout en temps de conflit.

— Nous serons bientôt au Palais, Majesté.

J'avais cessé de me battre à ce sujet. Le prince Cirdan était persuadé que j'étais Reine, même non couronnée. Il n'en démordait pas. J'avais vite compris qu'en répondant à ses provocations, il continuerait de plus belle. Parfois l'ignorance représentait le meilleur des mépris. Alors je ne réagissais plus. Même si mon coeur se serrait à chaque fois. Même si la douleur devenait une de mes plus proches amies. J'espérais ainsi qu'il se lasserait plus vite. Plus le temps passait plus mes espérances s'amenuisaient. Mais rien ne me ferait renoncer.

— Je vous présenterai personnellement à mon peuple, m'assura Cirdan de sa voix chantante.

Il avait une aisance folle en prononçant ces mots. Comme si son rôle lui permettait de respirer. Comme si sa vie était dévouée à son royaume et ses habitants. C'était le cas dans un sens, mais son dévouement avait une nature inédite. Ses yeux cherchèrent la moindre expression sur mon visage, sans grande réussite. Son esprit était toujours à l'orée du mien. Il voulait capter chaque émotion. Je n'avais pas encore déterminé si c'était pour y plonger dès qu'une occasion s'y présenterait ou pour surveiller les personnes qui voulaient s'y introduire. Je ne le connaissais pas assez mais j'étais persuadée qu'Othar m'orienterait vers la deuxième hypothèse si je le lui demandais. Rien n'apparut sur mon visage. J'avais appris à dissimuler mes émotions presque aussi bien qu'un elfe. Les maîtres de l'esprit. Ce labyrinthe tortueux n'avait aucun secret pour eux. Certains pouvaient le manier aussi précisément qu'une dague aiguisée. D'autres se contentaient de rester à la surface de leurs capacités, préférant le repos au travail assidu requis par la maîtrise. Je savais que le prince faisait partie des plus doués. Rana me l'avait décrit comme le plus puissant de Thyminie. Ses mots me paraissaient un peu forts pour un royaume qui avait traversé les âges. Mais à l'attention que Cirdan me portait, le doute m'envahissait légèrement.

La forêt devenait plus lumineuse, comme si le chemin nous éclairait la route. Cela avait un côté très mystique mais pourtant c'était une belle réalité. Les lucioles se rassemblaient en dessous des branches alors que le soleil pointait ses dernières lueurs. Le prince marchait en tête, bavardant avec Beorn. Leurs voix nous parvenaient à peine. Je progressais à l'arrière aux côtés de mon protecteur. Sa stature droite était beaucoup moins sévère. Son esprit était ouvert vers la magie de ses ancêtres. Il avait retrouvé une certaine lumière intérieure, comme si le retour dans son royaume de naissance avait représenté un but depuis toutes ces années.

La diversité des espèces montrait enfin sa présence. Des papillons multicolores disparaissaient au profit de leurs congénères nocturnes, parés de couleurs sombres. Les oiseaux sifflaient dans tous les sens, les parents revenant d'une chasse plus ou moins fructueuse. Les pépiements des oisillons emplissaient les branchages alors que les victuailles étaient distribuées. C'était comme observer une oasis au beau milieu du désert de Volta. C'était une image d'illusion, d'une beauté telle qu'elle ne pouvait exister. Elle ne pouvait être réelle. Et pourtant elle était d'une telle perfection qu'elle ne pouvait être l'oeuvre de quelconque magie. Les arbres abritaient un pouvoir bien plus grand que toute magie. Ils représentaient la vie dans sa forme la plus pure. Des troncs millénaires se succédaient dans un alignement parfait. Un chemin était très nettement dégagé comme pour faire sentir aux visiteurs l'hospitalité naturelle des elfes. Un peuple si âgé mais pourtant tellement discret. Un peuple présent depuis les origines du monde. Un peuple qui paraissait si inoffensif au premier abord. Mais il n'était pas ce que l'on imaginait. Dans un sens, il était le peuple le plus accueillant et le plus bienveillant. Mais les elfes demeuraient les meilleurs soldats des six royaumes. Leur formation pointilleuse ne laissait rien au hasard. Ils étaient capables de tuer des adversaires à une distance incroyable avec leurs arcs. Mais leurs dagues et leur connaissance des végétaux et des poisons leur permettaient également d'exceller au combat rapproché. Leurs bataillons, étaient tous aussi redoutés les uns que les autres. Leur armée était une chose terrifiante et magnifique. Leur synchronisation faisait leur plus grande force. Un geste de leur capitaine entraînait des milliers de morts. Une pensée de leur roi pouvait provoquer l'extinction d'une espèce.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 07 ⏰

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Le poids du destin : l'héritièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant