Chapitre 1

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Depuis la fenêtre de ma chambre, j'observais le jardin. Dehors, tout était encore très calme. Les jardiniers avaient fini de remplacer les fleurs et retournaient chez eux, les serviteurs commençaient à arriver, et les marchands ambulants s'installaient dans leurs boutiques éphémères. Ce n'était pas dans mes habitudes de regarder ce spectacle, à vrai dire, je n'étais jamais réveillée assez tôt pour le voir. Mais aujourd'hui, dormir était impossible. Une larme roulant sur ma joue, je retournai me coucher. Je savais que je ne trouverais pas le sommeil, mais je voulais éviter d'être vue.

- Votre majesté, il est 8 heure, c'est l'heure de vous lever.

Pendant que Jane ouvrait les rideaux, Mary, ma première femme de chambre, me réveilla avec douceur, comme tous les matins depuis aussi longtemps que je me souvenais. Du haut de mes 21 ans, elle était la part d'enfance qu'il me restait. Le seule personne venue avec moi dans un nouveau pays. Le seul point stable de ma vie.

Je relevai les yeux sur elle, et elle comprit immédiatement. Mes yeux rougis devaient être un bon indicateur de mon état.

- Majesté... Y aurait-il quelque chose que je puisse faire pour vous ?

- Mary... Malheureusement, non, pas cette fois.

Prenant mon courage à deux mains, je me levai, avant d'être habillée par trois de mes femmes de chambre, sous l'œil vigilant de Mary. Une fois prête, je me dirigeai vers les appartements du roi.

- Elaine, comment allez-vous aujourd'hui ? me demanda le roi avec bienveillance.

- Comme hier, comme avant-hier, et comme demain et les jours suivants.

- Allons mon amie, la douleur finira par disparaître.

- Mais ce n'est pas ça, Henry, ce n'est pas que ça. Vous savez autant que moi que c'est ma place à vos côtés qui est en jeu.

- Elaine, je vous aime et vous le savez, jamais je ne pourrai laisser quelqu'un nous séparer.

Je soupirai et baissai la tête. J'entendis Henry se rapprocher, avant de le sentir contre moi.

- Elaine, levez la tête je vous en prie. Vous êtes la reine, vous êtes ma reine. Avoir un enfant nous a pour l'instant été refusé, mais il ne faut pas perdre espoir, cela ne fait pas si longtemps après tout.

- Ça fait 2 ans et 9 mois que nous sommes mariés Henry.

- Allons...

Depuis notre mariage, Henry avait toujours été un mari formidable. Comme tous les mariages royaux, le nôtre aurait dû être arrangé, mais Henry avait su être persuasif.

Nous nous étions rencontrés il y a 14 ans, alors que j'avais 7 ans et lui 13, lors d'une visite de courtoisie de sa famille dans mon pays de naissance. Nous nous étions bien entendus immédiatement, mais il n'était resté que trois jours et nous étions jeunes. Nous nous étions revus sept ans plus tard, quand j'avais 14 ans, et lui 20 ans. Cette deuxième rencontre s'était effectuée dans son royaume. Il s'agissait d'un bal organisé en l'honneur de son père, qui fêtait alors ses 15 ans de règne. De nombreuses familles royales étaient présentes afin de célébrer l'événement. Au début, Henry ne dansait qu'avec une autre fille, de son âge. J'étais alors restée avec ma sœur, jusqu'à ce qu'il me remarque. Au début, il ne m'avait pas reconnue, mais j'avais bien changé en sept ans. J'avais grandi, j'étais devenue une jeune femme. Loin de l'enfant que j'étais la première fois. Nous avions passé le reste du bal ensemble, à danser, marcher dans les jardins et discuter. Nous avions beaucoup discuté. Puis, nous étions rentrés avec mes parents, mon frère et ma sœur, et je n'avais à nouveau eu aucune nouvelle d'Henry pendant près de deux ans. Et un jour, je reçus une lettre de sa part. Il m'avouait qu'il était tombé amoureux de moi lors du bal et qu'il n'avait cessé de penser à moi depuis. Il en avait longuement parlé à ses parents mais ils me trouvaient trop jeune pour lui. Ils auraient préféré la princesse avec laquelle il dansait au début du bal. Heureusement pour nous, Henry n'avait pas lâché l'affaire. Pendant plus d'un an, il avait négocié avec ses parents, mais sans résultat. Puis un matin, il s'était réveillé et sa vie entière avait changé. Son père était mort dans la nuit, et il était roi. Six mois plus tard, après avoir commencé sa nouvelle vie, il en avait reparlé avec sa mère et elle lui avait finalement donné son accord. Il m'écrivait donc pour m'informer de son projet de m'épouser, et me demander si je le voulais aussi, sans quoi il annulerait tout. J'ai accepté, mes parents aussi, et nous nous sommes mariés. Ca fait maintenant très exactement deux ans, neuf mois et huit jours. Et quatre fausses couches... Je sentais les larmes monter à nouveau, mais je ne pouvais pas pleurer, je ne devais pas pleurer. J'étais la reine, et une reine se doit d'être forte en toutes circonstances, même quand pour la quatrième fois, elle perd son bébé sans jamais l'avoir vu...

Elaine et HenryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant