chapitre 1 : elsie, l'amour

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Adrian n'avait pas lâché la lettre des yeux depuis que le facteur la lui avait remise après avoir frappé à la porte, à défaut de pouvoir localiser la boîte aux lettres – ce qu'il aurait été bien en peine de faire, les Pucey, en sorciers qui se respectaient, n'en ayant jamais installé une. Le Serpentard avait beau savoir de qui elle provenait et se répéter qu'il n'y avait pas de quoi être surpris, le timbre collé sur le coin de l'enveloppe et l'adresse griffonnée au stylo bille sur le papier neuf lui faisaient l'effet d'une insulte.

Il soupira et, osant enfin détourner le regard, ouvrit d'un coup sec le tiroir de la commode du salon dans lequel, depuis le 3 août 1994, 17h38, sommeillait la baguette de sa sœur aînée. Cela faisait presqu'un mois, mais Adrian n'arrivait toujours pas à croire qu'elle était partie. Il aurait dû s'y attendre, pourtant. Il avait lui-même prédit, lors de sa BUSE de Divination, qu'il passerait un été de merde. Alors comment Elsie, elle qui aimait tant être projetée sur le devant de la scène, aurait pu regarder les éléments se liguer contre lui sans y mettre son grain de sel ?

Entre le soleil qui avait plié bagage à la mi-juillet et n'avait plus pointé le bout de son nez à Hollow Bridge depuis, son père qui, après avoir appris qu'il avait malencontreusement confondu les conséquences de l'ajout de sang de mouche à celui de sève de lierre dans une potion d'Aiguise-Méninge durant son épreuve de potions, n'avait eu de cesse de remettre le sujet sur le tapis et l'impossibilité de mettre la main sur des billets pour assister à la Coupe du Monde de Quidditch avec ses amis, évidemment qu'Elsie n'avait pas pu résister.

Mais ça ? Quitter la maison familiale pour aller s'installer à Lyon avec un Français sans pouvoirs rencontré sur la plage en les abandonnant, son père, lui et la magie, derrière ? Même pour Elsie, c'était trop, et Adrian n'avait qu'une envie : brûler sa lettre et lui en retourner les cendres.

L'adolescent prit appui sur ses bras pour se relever du fauteuil dans lequel il s'était laissé tomber après le départ du facteur et, machinal, rejoignit le premier étage. Il enfonça la poignée de la première porte du pallier et maudit le sursaut de son cœur alors que la chambre vide, ses meubles recouverts de draps, se révélait à ses yeux. Il aurait préféré n'être que rancœur, mais à chaque fois qu'il se remémorait tous les après-midis que, enfant, il avait passé avec Elsie entre ces quatre murs, il ne pouvait empêcher ses yeux de piquer.

Agacé de sa propre émotivité, il claqua sèchement la porte et pénétra dans sa propre chambre. La malle qu'il avait commencé à remplir avant l'arrivée du postier était toujours béante sur son lit et il y entassa à l'aveugle les manuels qu'il était allé chercher plus tôt dans la journée. Leurs pages étaient gondolées par la pluie qui lui avait pissé dessus pendant toute son expédition et, pour la énième fois, il se demanda comment Elsie avait pu renoncer ainsi à la magie. Lui n'attendait qu'une chose : son retour à Poudlard le lendemain pour pouvoir utiliser sa baguette et redonner aux livres un aspect décent.

Il aimait Elsie. Profondément. C'était une super grande sœur. Elle avait toujours été là pour lui, acceptant sans broncher le transfert d'affection dont il l'avait accablée à la mort de leur mère sans pour autant oublier qu'elle n'était que sa sœur et que, une sœur, si ça ne fait pas boire son premier whisky Pur Feu à son petit frère et ne le charrie pas après son premier râteau, ça n'a plus qu'à rendre son tablier. Cependant, depuis le début du mois d'août, en plus d'être convaincu qu'il n'arriverait jamais à la comprendre, il ne pouvait plus la voir autrement que comme une égoïste qui n'avait pas le moindre sens de la famille.

Merde, ils étaient des Pucey, des Serpentard de génération en génération, comment est-ce qu'elle pouvait juste tourner le dos à la magie et partir se fiancer avec un Français sans pouvoirs rencontré en vacances ? Adrian n'était pas un extrémiste, il n'avait rien contre les Moldus tant qu'ils restaient chez eux et acceptait les Nés-Moldus sans faire d'histoire, conscient qu'ils ne pouvaient pas lutter contre leur génétique, mais il y avait des choses qu'il ne pouvait pas supporter. Et se faire traiter comme un pestiféré par ses amis parce que sa sœur avait autant de jugeote qu'un hibou mal dressé et voir son père complètement défait errer comme un mort dans leur maison en faisaient définitivement partie.

Le Fils du potionnisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant