Pirates des Caraïbes_Le Trésor de Rackam Le Rouge

Chapitre 7

Norrington était remonté en titubant de la cale. Il avait frôlé les deux pirates sans le vouloir et une partie leur discussion lui était parvenue. D'un geste nonchalant, il s'agrippa à la rambarde et resta recroquevillé pendant plusieurs minutes. Margaret, qui profitait d'une solitude bien méritée, n'avait pas bronché en voyant son état. Elle était maintenant habituée aux pirates alcooliques (et puants). Elle retourna à sa contemplation du ciel étoilé, brillant dans une mystérieuse obscurité.

– Comment était-elle ? demanda finalement Margaret sans pourtant paraître intéressée.

Comme il ne répondait pas, la jeune femme se tourna vers lui en précisant sa pensée.

– La femme que vous avez aimée.

Le visage d'Elizabeth se dessina devant lui et Norrington se redressa. L'intuition féminine dans le domaine de l'amour semblait imbattable.

– Parfaite. Le genre de femme que l'on rêverait d'épouser. Jamais dans mon ancienne vie je n'avais pensé à autre chose qu'à mon devoir. Hormis lorsqu'il s'agissait d'Elizabeth. Elle avait atteint une place dans mon cœur qui croyait ne jamais pouvoir être occupée un jour. Mais...

Il marqua une pause.

– Les circonstances ont fait qu'elle en aime un autre. Un forgeron, précisa-t-il d'un sourire amer. Je me disais que j'avais tout pour lui plaire, plus qu'aucun autre. L'honneur, le charisme, l'élégance. Et c'est un forgeron. Ou plutôt, un pirate qui l'a conquise.

Margaret fut touchée de sa confiance mais affligée de sa peine. Ayant légèrement contemplé son visage, elle s'attarda sur ses vêtements d'officier couverts de saleté.

– Depuis, votre cœur est brisé, conclut-elle. Je suis mal placée pour réconforter des personnes atteintes d'un mal d'amour. Mais il est bon parfois de se rendre compte que les choses qui se sont déroulées d'une manière imprévue sont celles qui devaient se dérouler. Votre destin n'était pas celui-là.

– Vous croyez en la destinée ? demanda-t-il dans un ton presque moqueur l'ancien commodor.

– Croire n'est-elle pas la seule force qui nous permette d'avancer ? répartit-elle avec un sourire. Mon père n'a de cesse de le rappeler : le destin est imprévisible. Il nous appartient de jouer le rôle qui nous est dû.

– Selon vous, il faudrait accepter ce que nous réserve la destinée ?

– Il est parfois difficile de l'accepter mais avec le temps on finit toujours par guérir.

Puis elle ajouta :

– Mais je ne suis pas certaine que le rhum soit un remède efficace.

Sa remarque arracha un sourire à Norrington.

– Il semblerait.

La venue de Thomas troubla leur conversation. Il s'étirait nonchalamment en baillant. Il faisait trop chaud dans la cale pour y dormir et les ronflements incessants n'aidaient en rien à trouver le sommeil.

– Où est le capitaine ?

– Sur le pont supérieur, répondit Norrington, en train de comploter avec son second.

Margaret arqua un sourcil et échangea un regard interrogatif à son frère.

– Que voulez-vous dire ?

– Vous devriez vous méfier. Vous êtes en train de vous faire utiliser par Sparrow. Pourquoi croyiez-vous qu'il vous ait embarquée ? Ces deux-là complotent quelque chose, vous pouvez en être sûrs.