Pirates des Caraïbes_Le Trésor de Rackam Le Rouge

Chapitre premier

Situé tout à l'ouest du Grand Caïman, George Town était un petit port marchant sans véritable importance mais qui faisait au moins vivre sa communauté britannique grâce à son commerce. Il n'y avait pas plus de cinq cent habitants. Une bonne majorité d'entre eux contribuait au faible rayonnement commercial de la ville.

De grandes plaines s'étendaient vers la façade maritime, comme un tapis de verdure bordant les hautes falaises. Les solitaires et les fous passaient leur temps à contempler la mer et ses caprices imprévisibles. L'herbe sauvage les dissimulait avec adresse et compassion, leur offrant un instant paisible et loin de tout vacarme.

Le tranchant d'une épée coupa une tige.

L'homme qui la maniait y mettait toute sa hargne et sa fougueuse jeunesse. Son ennemi invisible parait les coups avec habilité mais l'homme se savait vainqueur. Il trancha sans hésiter une fleur des champs, se baissa et fit tournoyer son épée. Son jeu de jambe était pitoyable. Le souffle coupé, le jeune homme s'immobilisa tout en sueur. Des applaudissement indifférents se firent entendre près de lui.

– Avez-vous fini votre entraînement, Maître Thomas Wilson ? demanda la voix féminine d'un ton espiègle.

Il accepta la gourde qu'elle lui tendait en dédaignant répondre à cette pique. Il savait sa grande sœur légèrement moqueuse envers ses extrêmes ambitions de jeune homme d'à peine dix-sept ans. La jeune femme ayant six ans de plus que Thomas, ils étaient complices sur certains points mais la divergence de leurs opinions sur d'autres ternissait parfois leur relation fraternelle. Soulevant le bas de sa robe ambrée, elle avança prudemment de quelques pas vers la mer.

– Je savais que je te trouverais là. Le vent est particulièrement fort aujourd'hui.

– Tu as enfin terminé l'école ? demanda-t-il en remettant son tricorne.

– Mme. Tatcher avait des tas de choses à me faire faire, répondit-elle d'une voix lasse.

Thomas s'approcha de l'arbre fruitier, se plaça à gauche de sa sœur et lorgna lui-aussi l'horizon pour rêver à de grandes aventures sur un navire de pirates. Sans même en avoir conscience ses lèvres fredonnaient un air inventé par ces pilleurs sans vergogne. Sa sœur ne s'en doutait pas sans quoi elle l'aurait vite sermonné.

Margaret Wilson avait un cœur aimant et douce personnalité. Dévouée envers la petite école où elle assistait la seule institutrice, la jeune femme apportait un faible support à sa famille. Les pirates, elle ne les portait pas dans son cœur. Son frère les admirait mais elle ne s'en étonnait plus depuis le jour où il avait affirmé devenir un pirate, entraînant l'évanouissement de leur mère et l'indignation de leur père. Bientôt, celui-ci l'emmènerait voguer sur les mers et il frémissait d'extase à l'idée d'en rencontrer.

– Il me tarde que Père revienne, déclara-t-il, les yeux emplis d'excitation.

– Bientôt un mois...comme le temps passe vite.

Le soleil descendait lentement de son trône afin de caresser telle une plume la mer. Soudain, Thomas se souvint d'une importante tâche que Mr. Molly, le maître d'armes et forgeron de George Town lui avait confiée. Laissant sa sœur, le jeune homme fit un volte face aussi rapide qu'un félin, et volait presque sur les hautes herbes.

– Il va me tuer ! s'horrifia-t-il.

– Tom !

– Je ne serai pas là à temps pour le souper ! cria-t-il, déjà loin.

Le port était en effervescence. Les marins s'occupaient du débarquement. Ils hurlaient un jargon incompréhensible pour les inconnus. Margaret se faufilait entre les curieux et dès lors qu'elle aperçut le navire de son père, l'inquiétude envahit son visage. Il était plus qu'abîmé. La coque endommagée laissait voir des fuites, des rames avaient souffert et les déchirures des voiles indiquaient une traversée pénible. Mr. Wilson descendait de son bâtiment avec humeur. Même si sa jambe gauche le faisait souffrir depuis longtemps, cet horrible retour le rendait exécrable. Sur le pont, un homme titubait étrangement. Il s'appuyait sur la rambarde.