Chapitre 3

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Pdv Tom :

Je suis déçu. La nouvelle n'est pas dans la classe. La table à ma droite est inoccupée. Dommage. Elle arrivera peut-être plus tard dans la journée, du moins, j'espère. Parce que le monologue du prof en face de moi est... Comment dire... Chiant à mourir. Le blabla habituel sur les règles de l'établissement, que bien sûr, tout le monde connaît par cœur depuis la maternelle. Il commençait tout juste à nous parler des règles pour le temps du midi, partie ô combien intéressante, quand la porte s'ouvrit en grand sur le proviseur.

- Je vous apporte la nouvelle... dit-il d'une voix hésitante, comme s'il hésitait à nous la présenter.

Une jeune fille entre dans la salle. Sa démarche se veut assurée, mais je sens qu'elle n'est pas si à l'aise que ce qu'elle veut nous faire croire. Cette file est... Sombre. Et ce n'est pas le fait qu'elle soit habillée dans un style gothique, ou la couche incroyable de noir qu'elle a sur les paupières, ou encore ses cheveux d'un noir plus noir que noir qui me fait dire ça. Non. Une sorte d'aura émane d'elle. Une aura que je ne peux qualifier que de « sombre ». Oui, je vois les auras des gens. Un problème, peut-être ? Désespérant.

Dans la salle, j'entends quelques gloussements chez les filles, je vois des coups de coudes chez les garçons. Un de mes amis assis quelques rangées devant moi se retourne et me fait un clin d'œil. Quel enthousiasme. Moi, la seule chose que j'arrive à penser, c'est « Ben tiens, une dégénérée de plus dans ce village de fous ! ». Je vous l'accorde, ce n'est pas le même niveau.

Le proviseur s'en va. Il à l'air content de s'en débarrasser. Comme je m'ennuie et que personne ne semble vraiment décidé à faire quelque chose, je commence à la détailler. Elle pourrait être très jolie, mais elle est tellement maigre que c'en est effrayant. Ses jambes sont tellement fines que j'ai du mal à croire qu'elle arrive à tenir debout. On dirait qu'elle va se briser, ou que le vent va l'emporter. Petite chanceuse, il y a beaucoup de vent par ici. J'ai hâte de voir si elle arrive à s'envoler. Sa peau est pâle, mais quand je dis « pâle », c'est vraiment pâle. Ça fait un contraste presque drôle avec tout ce noir qu'elle porte. Ça aussi, c'est flippant. Le noir. En fait, elle fait peur toute entière. Ouais, je sais, ce n'est pas hyper sympa. Mais c'est ma première impression. Espérons que la deuxième sera meilleure.

La classe est anormalement silencieuse. Le prof est en train de la reluquer. Il se gêne pas celui-là. D'accord, elle a un débardeur très décolleté et une jupe assez courte, mais bon, ça reste gênant, quoi, on est un peu au bahut quand même. Qu'il dise si on dérange, tant qu'on y est. Bon, je dis ça, mais la plupart des mecs ne se gênent pas non plus. Mais nous, c'est normal. C'est les hormones. Lui, il a genre au moins cinquante ans, c'est sale. Vieux pédophile, va. Je suis prêt à parier qu'il va essayer de la mettre dans son lit. Quand je pense que c'est notre prof principal. Beurk.

- Bon, vous comptez me mater encore longtemps ou ça se passe comment ? C'est pas que j'en ai marre de rester debout hein, mais juste un peu.

Eh ben, elle a du caractère. Il est mal barré le vieux, elle ne va pas se laisser faire. La classe se retient de rire, au prix de nombreux efforts de self-control pour certains et certaines. Elle a parlé d'une voix rauque. A croire qu'elle fume un ou deux paquets de clopes par jour depuis un bon bout de temps. Enfin, c'est peut-être le cas, je n'en sais rien. Le vieux toussote. Il lui demande de se présenter.

- Bah, je m'appelle Ana Wilson, mais si vous êtes pas trop demeurés vous l'avez sûrement lu sur la liste de classe. Ma vie ne vous regarde en rien, donc je ne vais pas m'y attarder. En fait, je vais même m'arrêter là, parce que je n'ai rien d'autre à dire. Voilà.

Elle se retourne vers le vieux dans un mouvement théâtral, le coupant alors qu'il était vraisemblablement intéressé par son postérieur, joliment mis en valeur par sa jupe.

- Je suis navrée d'interrompre votre contemplation, mais puis-je aller m'assoir, maintenant, ou bien c'est trop vous demander ?

Le vieux toussote encore pendant que la plupart des élèves rient ou sourient. Il lui indique la place à ma droite. La table inoccupée. Elle se dirige vers moi. Enfin, vers sa table, mais comme elle est à côté de moi, c'est comme si elle se dirigeait vers moi. Vous voyez ? Bref. Elle évite soigneusement mon regard. Enfin, je ne sais pas si elle l'évite, mais elle ne me regarde pas, comme si je n'étais pas là. D'ailleurs, je ne la regarde pas non plus. Je m'en fiche un peu, en fait. J'aurais pu engager la conversation, mais vu comment elle a parlé au prof et sa présentation, je ne suis pas sûr qu'elle soit plus aimable avec moi. Et je ne suis absolument pas d'humeur à discuter avec quelqu'un comme ça. Peut-être plus tard, mais pas maintenant. Pour le moment, je préfère encore écouter le vieux nous parler de la cantine.

Tom & CarmilaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant