Bien que Viola eut pris sa décision, il lui fallut plusieurs jours pour rassembler son courage et pour se lancer.
Une semaine plus tard, un Mardi plus précisément, elle décida que l'heure était enfin venue.
Ce matin-là, comme à l'accoutumée, Ymir et elle se trouvaient sur le toit de leur lycée.
—Tu sais déjà ce que tu vas lui dire ? demanda Ymir.
—Oui, répondit simplement Viola. Et toi ?
Le jeune homme, avec un léger temps de retard, acquiesça de la tête. Lui aussi avait décider de faire sa déclaration à Mark.
—Qu'est ce qu'on fera s'ils disent non ? dit-il dans un murmure.
—Qu'est-ce qu'on fera s'ils disent oui ? dit Viola sur le même ton.
Les deux se regardèrent, puis, soudain, ils éclatèrent de rire.
Ils riaient encore lorsque la sonnerie annonçant le début des cours retentit quelques secondes plus tard.
Retrouvant enfin leur sérieux, ils se levèrent et se dirigèrent vers leur salle de classe sans ajouter un mot.
*
—Pour la semaine prochaine, je veux que vous me rédigiez une dissertation sur « Essai sur l'amour et le mariage » de David Hume. 1500 mots au moins.
Alors que la salle de classe fusait en cris de protestation, Ymir et Viola se regardèrent en souriant. C'était le genre de sujets qu'ils préféraient. Le cours de français était bien le seul cours ou ils avaient vraiment l'impression d'apprendre quelque chose.
—Aucun retard ne sera toléré, ajouta M. Sora, leur professeur.
Alors que tous les autres élèves sortaient de la salle en bavardant, Ymir se dirigea vers M. Sora, suivie de près par sa « partenaire de malheur ».
—Le cours d'aujourd'hui était encore plus génial que d'habitude Monsieur, dit-il en guise d'introduction.
—C'est vrai, renchérit Viola.
M. Sora sourit :
—Rien de tel pour me faire plaisir que d'être encouragé par mes deux élèves préférés.
Les deux jeunes gens lui rendirent son sourire.
—M. Sora, si vous me le permettez, dit Ymir, pourrais-je vous poser une question ?
—Bien sûr.
Ymir lança un rapide coup d'œil à Viola et prit une inspiration :
—Pensez-vous qu'il soit toujours judicieux... de dire ce que l'on ressent ? En amour, ajouta le jeune homme quand il vit que son professeur ne semblait pas comprendre.
Ce dernier réfléchit un instant à la question.
—Oui et non, finit-il par dire.
Ymir attendit. Viola aussi, même si elle affectait de ne pas être particulièrement intéressée par la réponse.
—Devoiler ses sentiments relève de l'affirmation de soi, poursuivit M. Sora. C'est une preuve supplémentaire que l'on existe et que l'on a voix au chapitre dans ce grand livre qu'est la vie. Cependant, si je devais continuer sur cette dernière image, je dirais qu'avoir une voix ne signifie pas forcément qu'elle sera entendue. Dire à une personne qu'on l'aime et se voir être rejeté peut faire plus de mal que si l'on avait rien dit du tout.
Ymir glissa un regard vers Viola. Elle était encore plus pâle que d'habitude.
—Pourtant, je pense qu'il faut quand même le faire, ajouta M. Sora en commençant à ranger ses affaires.
—Vraiment ? fit Ymir, incrédule pendant que Viola jubilait. Pourtant, vous venez de dire que...
—Je l'ai dit pour que vous compreniez qu'il y a toujours un risque, dit l'enseignant alors qu'il fermait son sac. Mais une vie où l'on ne prend pas de risques de temps en temps ne vaut pas la peine d'être vécue.
Sitôt dit, il leur fit un signe de la main pour leur dire au revoir et sortit de la pièce, les abandonnant à leurs pensées.
—Bien essayé, dit Viola.
—Je voulais juste avoir son avis, dit Ymir en sortant de la classe à son tour.
—Je sais, dit Viola sur ses talons.
Ils s'arrêtèrent juste devant la porte. Les élèves allaient et venaient dans tous les sens.
—On se retrouve tout à l'heure ?
—D'accord.
Ils se dévisagèrent un bref instant.
—Bonne chance Viola...
—Toi aussi Ymir...
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Au-delà du voile
Fiksi RemajaDeux jeunes adolescents que tout sépare. Cependant, leur solitude commune va les rapprocher et les conduire à l'inévitable... «Au-delà du voile» raconte l'histoire d'Ymir et Viola. Ils ne devraient pas exister, et pourtant ils survivent dans un mon...