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- Hugo !
Perry venait juste de crier. Sa voix forte de baryton résonnait encore dans mes oreilles. J'ai suivi son regard qui portait vers la seconde rangée de chalets. Il regardait un en particulier qui était probablement le plus grand de toute la plage.

C'était bâti comme une maison, sans poutre vers l'avant pour soutenir la structure carrée. Une énorme baie vitrée consistait de façade et le chalet était entièrement peint en blanc cassé.

Devant, il y avait une petite terrasse sur laquelle s'asseyait un jeune blondin, torse nu. Il a levé la tête et nous a vus.

Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais à propos des jumeaux. J'avoue les avoir imaginés avec les cheveux blonds et souples, les yeux bleux, le teint hâlé. Une quelconque ressemblance avec leur père, ou grands-parents. J'étais persuadée que ce garçon, sur la terrasse, était l'un des jumeaux.

Mais, quand il s'est levé pour courir vers nous, j'ai vu qu'il ne pouvait pas avoir dix-huit ans et demi. Le corps était imposant et massif. Carré au niveau des épaules, les muscles luisaient au contact du soleil. Agréable à regarder. Nageur professionel, ai-je soupçonné. Il devait avoir entre vingt et vingt-cinq ans, pas moins.

Il ressemblait beaucoup à Perry. Sauf que le regard était teinté d'un vert doux et moins prononcé, et les cheveux, biensûr, étaient plus clairs. La peau était légèrement plus bronzée, et moins ridée.

- Je te présente Hugo, a dit Perry, mon neveu. Hugo, voici Maïa.

Haha, Maïa, ouais c'est ça.

Large sourire de la part d'Hugo. Sa dentition blanche et parfaite brillait. Très agréable à regarder, même.

- Enchanté.
- De même, ai-je répondu.
Perry a enlevé ma valise de son épaule avec difficulté pour la donner à Hugo. Il l'a prise des deux bras et la tenait beaucoup plus facilement, contre son torse.

Perry s'est tourné vers Hugo:
- Conduis la à son chalet... j'ai encore beaucoup de choses à faire.

Et, après un petit sourire à mon égard, il a couru vers son chalet.

- C'est son tour de préparer le dîner pour ce soir, a dit Hugo tranquillement, j'irai l'aider tout à l'heure.

Il s'est vivement retourné vers moi et m'a demandé de le suivre vers la première rangée de chalets. Je l'ai fait, me cramponnant un peu plus à mon étui de guitare. Je me suis alors focalisée - autant que je le pouvais - sur les chalets. Nous en avions déjà dépassé cinq quand Hugo s'est brusquement arrêté. C'est celui-ci, a-t-il dit.

On faisait face à l'arrière du chalet qui avait une porte de ce côté, virant presque au gris. On a détourné le chalet pour aller vers l'avant. C'était très vieux. Le bleu délavé avait à la fois pâli sur les côtés et pris une couleur noire, cause d'humidité. Le toit n'était pas jaune mais gris, et contrairement au reste de la bâtisse, il semblait neuf, lui.

Un petit escalier menait vers la balustrade qui, biensûr était maintenue par deux poutres dans le sable. La balustrade donnait directement vers l'intérieur du chalet. La porte de devant était déjà ouverte.

- C'est pas exactement ce à quoi je m'attendais, ai-je dit.

Je n'ai pas pu m'en empêcher.

- Quand on a appris que quelqu'un viendrait séjourner dans ce chalet, on a été assez surpris. Le toit était endommagé et ça faisait longtemps que c'était inoccupé.

Il est monté le long de l'escalier, en disant:

- On a dû refaire le toit et le remplacer, du coup, par une feuille de tôle neuve. On a aussi vérifié la fenêtre de devant, les murs et les deux portes (petit sourire). C'est tout sécurisé maintenant.

Mes pensées se bousculaient dans ma tête. Quelque-chose n'allait pas dans toute cette histoire. Hugo s'est accroupi sur la balustrade et a pris mon étui de guitare qu'il a posé à l'intérieur. Parlant toujours, sa voix s'élevait de l'intérieur:

- On a ouvert la porte de devant pour aérer le tout durant la matinée. C'était assez étouffé tout ça. (Il s'est appuyé contre l'encadrure pour me voir). Maintenant, les clés te reviennent.

Il a fouillé dans la poche de son short et a enlevé deux clés qui pendaient dans un anneau. Il me les a envoyées mais, comme je réfléchissais, elles sont tombées sur le sable. Je les ai ramassées en tremblant un peu.

- Excuse moi mais, c'est quand la dernière fois que Mariane et Ewen sont venus ici ?

Il m'a simplement regardé, confus. On dirait qu'il ne reconnaissait même pas ces noms. Mais, peu après, il s'est resaisi comme s'il avait soudainement recouvré de la mémoire:

- Ah ! Eux ! Ça doit faire vingt ans. Peut-être plus.

La réponse était vague, oui, mais aussi terriblement simple. Et, pourtant, je n'avais rien saisi. Je comptais lui demander plus. Mais, du bruit a interrompu mon intense réflexion.

Ça venait du chalet voisin. C'était des coups répétitifs, d'abord plus lents, ensuite, de plus en plus frénétiques, accélérés. Accompagnés par le mariage de deux voix bien distinctes - l'une masculine et l'autre féminine - s'élevant au rythme de leurs respirations saccadées.

- À tous les coups, a débuté Hugo, c'est Isa et Matt qui baisent, je t'le jure.

J'ai grimacé, je crois, et Hugo a commencé à rire. Il s'est brusquement arrêté et s'est de nouveau accroupi sur la balustrade, alors que moi j'étais debout sur le sable. Nos visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre. Il a saisi mon menton doucement de sorte que mon regard rencontre le sien, impitoyablement sérieux:

- On ne pose pas ce genre de question ici, Maïa.

Je n'étais plus très sûre qu'on parlait toujours de mes chers voisins. J'ai tourné la tête d'un coup sec de sorte qu'il perde son emprise sur moi. Je n'avais rien demandé de mal, ni de déplacé.

De ma vision périphérique, j'ai cru le voir sourire. Puis, il a crié:

- Matt !

Il y a eu un long silence et après, de l'intérieur, on a répondu:

- Ouais ?

La voix était lourde et peu timbrée, cause de leur précédent batifolage.

- Tu veux pas voir la p'tite nouvelle ? a lancé Hugo, le regard fixé sur moi.

J'ai entendu des petits chuchotements dans ledit chalet. Ensuite, la porte de devant s'est ouverte brusquement, révélant dans l'encadrure un jeune homme.

Il était roux et ses petites boucles déferlaient doucement sur le visage pâle, rosé et rempli de tâches de rousseur. Les yeux étaient couleur noisette, prenant une couleur dorée au contact du soleil, bas sur nos têtes. Le nez était uniforme et bien dessiné et les lèvres étaient d'un doux rose pastel. Le corps était musclé mais, pas autant que celui d'Hugo.

Il ne portait qu'une mince serviette autour de sa hanche.

- Maïa, eh ?

J'ai hoché lentement la tête.

Derrière lui, j'ai vu une fille qui se cachait. Elle était brune et mince. Isa, je crois.

Il ne souriait pas, contrairement à Hugo qui semblait avoir tout un dictionnaire de sourires variés, adaptés à toutes les situations.

- Maïa, je te présente Matt, a dit Hugo, Matt... Maïa.

Petite hochement de tête de la part du dénommé Matt. Ensuite, sans un mot, il est retourné à l'intérieur du chalet.

- Je pense te quitter moi aussi. Si tu as besoin d'eau, il y a une pompe plus loin (Hugo a pointé vers la partie gauche de la plage). Et, si tu as besoin de quoi que ce soit d'autre, je serai dans le chalet de Perry.

Et il s'en est allé lui aussi.

Peu après, j'ai entendu les coups graduellement forts reprendre du côté de Matt et Isa.

Putain, je crois bien qu'ils vont baiser toute la journée.

seuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant