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L'eau froide descendait lentement le long de mon corps nu. De loin, je voyais certains surfeurs et, une bande d'enfants s'éloigner de la plage peu à peu.

Je me trouvais dans l'une de ces petites cabines de douche, à l'extérieur. Ma tête dépassait largement le haut des quatres murs de bois, ainsi que la porte. Je pouvais tout voir; le ciel assombri, les lumières qui s'allumaient comme des torches sur la côte voisine, même la petite tente verte près de la pompe à eau. Par contre de là où je me trouvais, j'étais incapable de dire si elle était ouverte ou fermée.

J'ai alors pensé à Elliott.

Il occupait la place de comptable dans la grande entreprise de maman. C'est d'ailleurs grâce à elle que j'avais rencontré Elliott, cinq mois plus tôt. Ces grands talents d'entremetteuse avaient finalement débouché quelque-part. Je ne pouvais rien le reprocher, à Elliott. C'était un garçon formidable. Je l'appréciais beaucoup, moi aussi. Mais, ça commençait à devenir trop sérieux entre nous. Il envahissait mon espace. Ça grimpait trop haut. Trop vite.

J'avais beau me justifier, je savais très bien que ça ne me mènerait nulle part. La culpabilité était là, presque tangible, un poids lourd sur ma poitrine. J'aurais peut-être dû le laisser un mot. J'aurais peut-être dû lui parler de mes sentiments plus tôt. On aurait alors trouvé une solution. Il m'aurait certainement aidée et soutenue. Je n'aurais peut-être pas dû...

Quelque-chose a attiré mon regard au loin. La tente verte. Il y avait de la lumière à l'intérieur, à présent. Certainement une lampe torche. Je pouvais même distinguer le contour d'une silhouette qui s'apprêtait à se lever et à sortir de la tente.

Mais, j'ai entendu quelque-chose claquer vers ma gauche. Quelqu'un venait d'entrer dans la cabine d'à côté. Il y en avait peut-être cinq autres de ces cabines et ce quelqu'un n'a trouvé que celui-ci. J'ai levé la tête et la première chose que j'ai vue, c'est l'abondante chevelure rousse et humide. Il faisait peut-être un peu sombre mais, je l'ai reconnu tout de même.

- Tu aimes l'eau froide ? a demandé Matt.

Il faut dire que j'étais un peu prise au dépourvu. Il ne me regardait pas vraiment. Je ne voyais que sa tête et une partie de son torse. Il n'était que légèrement plus grand. Si je me rapprochais un peu, je savais que je pourrais voir un peu plus que son torse tatoué. Ce n'est que là que j'ai réalisé que je le fixais peut-être un peu trop et, que je ne l'avais toujours pas répondu. J'ai détourné la tête.

- Pardon ?

Il a ouvert le robinet de la cabine et le jet d'eau est tombée avec force. J'ai tout de même essayé de ne pas trop regarder.

- L'eau (il a désigné la douche du bout des doigts). Elle est froide. Tu peux la rajuster, tu sais ?

Je ne l'avais pas remarqué tout à l'heure mais, sa voix grave était teintée d'un léger accent qui espaçait ses mots et traînait à la fin. J'hésitais entre de l'anglais et du américain. Bizarre. Ni Perry, ni Hugo n'avait un tel accent. Céline non plus, d'ailleurs.

- Comment tu sais qu'elle est froide, d'abord ?

- Y a pas de vapeur qui se dégage de ta douche, a-t-il répondu calmement. Après, tu trembles trop.

Pas une fois il ne m'avait regardée. Ça me perturbait beaucoup. Je me demandais ce qu'il avait bien pu voir d'autre.

- J'ai essayé de rajuster la température mais, je n'ai eu que de l'eau froide.

Mensonge improvisée. Je n'avais rien essayé.

Après, je commençais sincèrement à geler là de-dans. Mais, bien sûr, ce n'était que mon corps de fille des îles qui faisait défaut. Je m'apprêtais d'ailleurs à avoir un arrêt cardiaque, le saviez-vous ? En effet, Matt s'est hissé le haut du mur de bois qui nous séparait, lui et moi. Sa main gauche a gentiment frôlé mon estomac jusqu'à mon bas-ventre pour se diriger au robinet un peu plus bas. Il a laissé un léger (un énorme) frisson se répandre sur son passage.

seuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant