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Plus aucun mot ne sort, je suis incapable de continuer. Je me recroqueville, je veux devenir minuscule, je veux disparaître.

L'angoisse me ronge. La douleur me brise. La douleur de mon âme piétinée me pousse encore plus loin dans les abîmes. Ça martèle dans tout mon être . Dans mon corps, dans ma tête, il n'y a plus que les cris de la petite fille effrayée qui résonnent. Elle hurle sous ses blessures invisibles, purulentes et perpétuellement à vif.
A cet instant, je ne veux qu'une seule chose, mourir, car il y a pire que subir la folie de mon frère, il y a la raconter.

Je suis loin, très loin dans ma carapace. Mon corps n'est plus que nausées, je voudrais le vomir, me vomir, vomir ses mains, vomir sa bouche, vomir toute sa cruauté.
Je ne pleure pas, je ne pleure plus, je n'ai plus de larmes.
Comme souvent, j'enfonce mes ongles dans mon crâne jusqu'à ce que la douleur soit aussi forte que celle qui me lacère le corps.
Ça ne m'apaise pas pour autant, ça rend juste l'autre douleur un peu moins infernale.

La main de ma plume noire, se pose sur mon dos et m'arrache un frisson.

- calme toi, reviens avec moi, écoute le son de ma voix, rien que le son de ma voix.

Malgré le champ de bataille de mon être, je l'écoute. Elle a ce pouvoir là... Comme ma douce amoureuse, comme ma déesse, ma plume noire arrive à me sortir de ma torpeur.
Doucement au son de sa voix, je reviens à l'instant présent. Je reprends place à ses côtés sur le muret et sans qu'aucun mot ne soit prononcé, je sais qu'elle sait.

- raconter ... C'est pire que tout, ça me détruit, ça me pulvérise...

- je sais... Mais cette douleur nous rend vivante

- je ne sais pas, je ne sais plus... J'ai juste envie de crever pour ne plus voir son putain de sourire quand je ferme les yeux.

- je te comprends tellement...

- je ne mérites l'amour et la tendresse de personne Je ne suis pas aimable, je suis sale et minable...

- je ne peux pas te dire que tu es l'inverse de ce que tu penses être. Je n'en ai pas le droit, car je te comprends.

Je relève la tête et la regarde dans les yeux. Je suis abasourdie. Au fond de ses deux billes, c'est bien la même douleur que la mienne que je lis. Ça me glace le sang... C'est trop, je ne peux pas lui infliger ça. Je ne peux pas. Je n'ai pas le droit de lui crier toute ma douleur, elle a déjà la sienne...

Je prends sa petite main dans la mienne et le coeur en vrac je lui dis au revoir.

- ne reste pas la à m'écouter. Je n'ai pas le droit de t'infliger ça. Rentre chez toi, va te blottir au creux des gens que tu aimes et prends soin de toi.

Je dépose un doux baiser sur son front et je la laisse retrouver sa vie loin de moi.

- attends ! Tu es un amour tu sais... Un amour écorché mais ton humanité est belle. Vraiment.

Les larmes plein les yeux, je lui offre le plus beau sourire que je peux lui donner en cet instant puis du bout des lèvres je lui murmure... merci toi aussi, des centaines de fois plus que tu ne le penses.

*************

Plusieurs jours viennent de s'écouler. Plusieurs jours où je n'ai pas regagner le muret. Je voulais la laisser en paix.
Mais ce soir, c'est difficile, très difficile.
Il y a trop de saloperie dans ma tête, j'avais besoin de m'anesthésier alors je me suis défoncée la tête. Mon cerveau part en vrille. Je ne réfléchis plus correctement. Réfléchir... Il ne sait faire que ca, réfléchir tout le temps, sans jamais s'arrêter. Je pense à cette ombre sur le muret, à la plume silencieuse qui se tenait à mes côtés sur le bord de mon précipice. J'ai sauté mais sans elle. Au lieu de m'envoler et de trouver la paix, je me suis écrasée.

La SaccagéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant