Un seul petit pas de travers et ça sera la fin de cet enfer...
Dans mon corps l'adrénaline des derniers instants flirte avec les caresses du vent. Mon coeur pulse et expulse les derniers espoirs, les dernières lueurs dans cette nuit si noire. Comme une chanson emprunte de détresse ma tête hurle sans cesse. Les yeux fermés, j'attends le moment où mon pied va déraper, où dans le vide je vais plonger pour enfin être en paix.
Le souffle chaud de la brise printanière prend les relents de son haleine fétide. Je le sens qui rôde derrière moi. Je l'entends me parler, me dire qu'il ne fait que me donner ce que je veux, que j'aime ça, que je suis sa salope.... Ses mots tournent en boucle dans mon cerveau. Salope, tu n'es qu'une salope. Tu aimes ça, regardes tu te débats même pas... Tu aimes ça me sentir en toi.... Dis le que tu aimes ça....
Je suis prise à la gorge, j'ai l'impression qu'on m'étripe, qu'on m'éviscere....
Sa pourriture me ronge, me gangrène. Ses mots sont comme des asticots qui grouillent dans mon corps et dans ma tête.
A bout de force. A bout de désespoir. Je ne supporte plus tout ça. Cette dernière angoisse sonne le glas. Elle sera celle qui m'accompagnera jusqu'à trépas.
C'est fini, il y a eu trop de fracas, trop de dégâts. Sous ma poitrine encore pour quelques secondes mon coeur bat. J'embrasse le précipice qui me tend les bras puis je fais le pas qui me sauvera en m'écrasant en contrebas...- non !!!!!!
Cette voix qui essaie de me retenir, ne parvient pas à mes oreilles. Elle est couverte par ses mots à lui. Il n'y a que lui comme toutes les nuits. Perdue au royaume de mes enfers, je ne sens pas vraiment la petite main qui se glisse dans la mienne. Je la refuse, je la rejette.
Mes doigts quittent les siens pour prendre mon envol mais cette fois ci, elle ne lâche pas. Elle attrape ma main. Elle la tient fermement et de son petit corps, elle me ramène du bon côté du muret.Mes larmes inondent tout sur leur passage. Pourquoi ? Putain ! Pourquoi m'avoir sauvé? Il fallait me laisser tranquille, me laisser partir en exil loin de ma vie de périls...
Je n'ai tellement plus de force....
La lassitude et le désespoir s'abattent de nouveau sur moi. Je me retourne face à l'immensité. Je ferme les yeux pour la plongée vers l'eternité mais j'entends enfin sa voix
- Je ..je suis désolée de mon absence et je suis désolée si je t'ai fait de la peine. J'ai l'air minable. Je suis vraiment mal de pas avoir été là pour toi. Je t'apprécie beaucoup tu sais... Tu es importante tu sais....Je ne veux pas que tu sombres... Tu ne mérites pas ça... Tu es tellement forte....
- ahaha
J'éclate de rire. Un de ces rires qui réveillent les morts, qui décapitent autant qu'un coup de guillotine. C'est tellement drôle, c'est à se pisser dessus... tellement ça m'horripile, tellement ça me débecte... Sois forte ! Ne me fais pas ça... N'abandonne pas... Tu peux changer.... Tu peux y arriver... Tu dois pas le laisser gagner... Tu dois pas laisser gagner la maladie... Tu dois laisser personne gérer ta vie....
- pas toi, putain ! Pas toi ! Je hais cette phrase ! Putain mais d'où je suis forte ! Je suis pas forte...non... moi je suis faible ! Tout est effrayant, angoissant. La moindre chose insignifiante me demande un effort surhumain. Je suis qu'une merde. Je suis comme un grain de sable, tu sais cet infime grain de sable, si petit, si minuscule mais extrêmement dérangeant quand il est dans ta chaussure.
Même mon propre corps ne me supporte plus, il s'autodetruit. Mes os se rongent, mes organes se nécrosent et ma peau se calcine. Alors tu vois, je ne suis pas forte. Je suis rien, tout au plus un grain de poussière sans intérêt, volatile et gênant.J'arrête brutalement de parler. Une poussière... Je veux redevenir poussière. Je suis trop fatiguée, trop usée, trop désabusée, trop saccagée.
Mon regard croise le sien et dans ses yeux, je sais qu'elle comprend. Elle comprend cette violence, cette usure, cette envie d'en finir et les mots qui suivent me le confirme.
VOUS LISEZ
La Saccagée
Short StoryIls existent des âmes seules et sombres et qui pourtant éclairent votre chemin. Lorsque j'ai rencontré ma plume noire, j'ai su qu'enfin j'avais le droit de déterrer toutes les horreurs qui depuis tant d'années saccagent mon corps et ma tête. Cet êt...