Ce soir je fais tout à la hâte. Je suis incapable de me poser, de me concentrer, de me laisser aimer. Dans mon corps c'est un tourbillon, une tornade, un syphon. Je dois lutter pour ne pas être aspirée. Ce soir mon coprs ne se laisse pas toucher, il est barricadé. Il attend en suspend que je vienne tout déverser, qu'enfin j'arrive à exorciser.
Lorsque la douce femme qui partage mon lit est endormie et que la maison est enfin remplie du calme de la nuit. Je me lève et pars regagner le Muret.
Comme chaque soir, j'ai la crainte que ma plume noire, ne sois plus là, qu'elle se soit lassée de moi, mais une brûlure se propage dans mon corps lorsqu'au loin j'aperçois le rouge incandescent de sa cigarette. C'est un mélange d'appréhension, de joie et de douleur électrisant et ennivrant.
Il y a vraiment quelque chose de palpitant à la retrouver, d'excitant mais comme peut l'être le danger, comme le franchissement de certaines limites.Une fois assise à ses côtés, elle pose sa main sur la mienne et brise le silence qui nous protégeait.
- tu es prête ?
Prête ? Est ce que je suis prête ? Je m'apprête à subir une opération sans anesthésie, à m'arracher des souvenirs entérrés, ensevelis au fond de ma mémoire, à être dévorée par mes démons, par mes enfers, alors non... Bien sûr que non je suis pas prête mais je sais que c'est le moment de parler.
- je ... Ça va... Ça va aller....je vais y arriver....
Je me laisse encore quelques secondes de paix et je saute aux côtés de ma plume noire dans les flammes de l'enfer.
- Je ... Je vais te raconter, comme si... Comme si cette histoire, aller rester dans notre obscurité, comme si c'était le seul endroit où je peux la gerber.
Tu sais... je ne m'attendais pas à plonger aussi profond dans mes tréfonds en écoutant cette chanson.
Ni à quel point elle allait me retourner, m'obséder et totalement m'éventrer. A cette heure, je ne suis plus qu'une plaie purulente complètement suintante. Je dégouline de haine, de dégoût et de douleur. Ça me noircit, ça me pourrit. J'ai cherché par où commencer... Je n'ai pas vraiment trouvé. Peut être par la réalité par la triste réalité. Peut être par les larmes qui s'abattent sur mon visage après l'orgasme. Quand la morsure du plaisir flirte avec le besoin de vomir. Quand le dégoût anéanti tout. Quand SA voix, quand SES mots prennent possession de mon cerveau. Quand salope résonne non stop. Quand l'angoisse et la panique me prennent aux tripes. Quand la femme disparaît et que la petite fille brisée revient me hanter. Je lutte contre des centaines d'hupercuts qui me percutent. Je lutte. Je lutte contre LUI. Je lutte contre moi. Je lutte encore et toujours, jusqu'au moment où je me retrouve seule, là tout me revient en pleine gueule et enfin je dégueule. Pas besoin de me goinfrer pour gerber. Je suis tellement sale, tellement mal que je n'ai qu'à me mettre à genoux pour faire jaillir tout mon dégoût. Toute la honte remonte et quand les hauts le coeur deviennent douleur, je me lave de tous mes pleurs. Si seulement la chasse d'eau pouvait emporter tous mes maux. Si seulement... Malheureusement, le soulagement ne dure qu'un instant. Une fois dans mon lit, mon corps meurtri ne trouve pas de répit. Après SA voix, c'est le poids de SES mains sur moi. Dans la nuit noire, c'est toujours le même cauchemar. Les images sous mes paupières ravivent l'enfer. Mon enfer.
SON sourire victorieux me perfore comme un pieu, et lorsque ses mains glissent sur ma peau lisse, leur supplice m'aneantit. Mes nuits sont ainsi, elles se répètent à l'infini. Pendant que LUI dort tranquillement sur ses deux oreilles, mes nuits sans aucun repos s'égrènent inexorablement me laissant comme une âme sans peau.Je sens tous mes mots qui s'entrechoquent. Ils se précipitent vers la sortie. J'essaie encore de les retenir mais à quoi bon ? Je suis là pour ça, pour raconter sûrement avec fracas tous les dégâts. Sa petite main se resserre sur la mienne. Je ferme les yeux et je le vois comme à chaque fois. Son putain de sourire victorieux appuie sur la détente et tire à bout portant. Ce coup met fin à ma lente agonie et la déferlante de mes souvenirs peut enfin commencer.
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La Saccagée
Short StoryIls existent des âmes seules et sombres et qui pourtant éclairent votre chemin. Lorsque j'ai rencontré ma plume noire, j'ai su qu'enfin j'avais le droit de déterrer toutes les horreurs qui depuis tant d'années saccagent mon corps et ma tête. Cet êt...