La Saccagée

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Durant plusieurs nuits, j'ai tenté de rester éloignée de la plume noire et de cette chanson si percutante, je ne voulais pas replonger dans ma noirceur.
Je suis restée blottie des nuits entières, contre le coeur de celle qui m'aime. De celle qui me couvre de tendresse et de délicatesse. De celle qui souhaite rendre ces choses que je repousse plus douces.
Mais ce soir, son amour était trop doux, trop intense, trop douloureux.
Je n'arrive pas à faire face, mon corps redevient glace et dans une profonde angoisse, je pars rejoindre la plume noire qui brise ma carapace.

Je la retrouve au même endroit, perchée sur le muret, les yeux perdus dans la voie lactée.
Je prend place à ses côtés et pour la première fois, je commence à lui parler.

- Cette musique... Cette musique m'obsède jours et nuits depuis que tu me l'as faite écouter. Elle réveille les cris de colère que je tentais d'étouffer. Elle fait tomber le masque de la fille parfaite, de celle qui garde son sourire à toutes épreuves.
Ces paroles ont enlevées tous les sparadraps qui camouflaient encore mes plaies purulentes. Oui il est temps de vomir sur cet amas de gueules en biais, à qui je sais plus quoi sourire, à qui je sais plus quoi causer. Alors je vais prendre mon carnet et devenir tout ce que j'ai jamais supporté pour écrire mon angoisse et mon chagrin et mourir complètement vidée.
La descente aux enfers risque d'être violente en espérant qu'à la fin elle soit apaisante et résiliente.

Je laisse le silence nous envelopper puis lorsque que je lève la tête vers elle, mes yeux croisent enfin les siens.
Son regard me perce. Je vois que mes mots la touchent, qu'ils claquent autant que cette musique. Je vois qu'elle ressent ces choses si fortes, si douloureuses mais qui nous rendent plus vivantes que jamais. Je le vois et je le sens au fond de moi. Portée par les cendres de mes enfers je continue de faire valser mes mots.

- tu la connais cette douleur ? Celle qui fait terriblement mal mais qui fait de toi celle que tu es vraiment ?
Pour ma part, j'ai cette colère et ce dégoût qui coule dans mes veines. La plupart du temps, je cache tout pour être celle qu'on souhaite que je sois, mais il ne faut pas gratter longtemps pour que cette noiceur jaillisse, juste assez pour que les roses noires fleurissent.
Ces derniers jours, ça palpite dans mon bide et j'ai les tripes aux abois.
Je veux vomir tout ce que j'ai jamais dit, je veux gerber mon enfer. Ça va sûrement faire mal et mon image va en prendre un coup mais tant pis.
On me demande toujours d'être forte et bien pour une fois, je vais être faible et me vautrer dans mes vices pour éviter que mon corps et mon coeur pourrissent. Je vais faire comme toujours, raconter avec mes tripes et vivre ce que j'écris. Quoi de plus simple quand ces angoisses sont ton quotidien. Quand le sexe est ta véritable mort et que la tendresse est ton enfer. Je vais raconter mes journées à compter, à maîtriser et mes nuits à bouffer et gerber. Je vais raconter tout ce qui a tué mon corps, ces années au supplice de ses mains.
Je vais raconter...

La colère fait bouillir mon sang. Le volcan est sur le point de se réveiller. Ça gronde dans mon corps, le magma brûlant s'empare de chaque cellule. Je ne sais pas quand je vais exploser, à quel moment la lave viendra tout ravager mais je sais qu'à la fin tout sera dévasté.

Je laisse toutes ces émotions m'envahir, quand sa voix rompt le silence de la nuit.

- il est temps que tu racontes. Je serai là pour t'écouter. Sous tes mots et tes maux je fremirai.
Ils font tellement écho en moi. Je ne te jugerai jamais. Sache le. J'ai l'impression que tu es un précipice. A tes côtés, je suis attirée par le vide. Ça me fout le vertige. Il faut juste que je sache si je saute avec une corde ou non .

Je la regarde stupéfaite. Plus aucun son ne sort. Et si ... Si c'était elle, la pièce du puzzle. Si c'était elle qui me manquait pour me réparer.
Je me répète plusieurs fois ses mots. Vertige, vide, précipice... Et sa dernière phrase me provoque une angoisse. Mes pensées s'emmêlent et fabriquent la corde qui la maintiendra sur le bord.