La voiture se gare sur le parking du camp des Loges. Aurore éteint le moteur, anxieuse. Elle n'a jamais mis le pied ici, pourtant c'est bien là que son cousin, Colin, travaille quotidiennement. Elle n'a jamais vraiment aimé le football, son truc à elle c'est plutôt le basket. Elle en fait depuis qu'elle est toute petite. Son père l'entraînait dur pour qu'elle puisse atteindre les sommets. Mais Aurore n'a jamais été très bonne. Elle a arrêté de se tuer à la tâche au lycée, et le basket est devenu un simple loisir.
Aurore soupire. Après des mois de recherche de travail, une petite entreprise de photographie l'avait recontacté au début du mois d'avril. La patronne avait demandé à la voir en personne, et elles avaient fixé un rendez vous pour le deux mai. La veille, ses deux meilleures amies, Maria et Laure l'avait entraînée en boite de nuit. Qu'elle était bête d'avoir pensé rentrer tôt de cette escapade ! Elle a raté son seul entretien d'embauche depuis des mois. Son désespoir et sa colère contre elle même ont été immense. Quelle conne ! Puis elle s'est rappelé qu'elle avait un cousin qui pourrait l'aider. Colin, footballeur professionnel au Paris Saint Germain doit bien avoir des contacts.
Elle n'a jamais vraiment côtoyé ce cousin. Son père s'est fâché avec son frère quand ils étaient tout petits, Colin et elle. Une sombre affaire de famille qu'Aurore n'a jamais compris. Quoi qu'il en soit, elle n'a jamais eu le désir de reprendre contact avec lui. Bien consciente de le solliciter seulement par intérêt, Aurore prend cette situation comme une occasion de le rencontrer enfin.
La jeune fille pousse la porte du Camp des Loges : un complexe immense où s'entraine l'équipe. Un peu perdue, elle regarde avec curiosité les différentes pièces, avec l'espoir d'y retrouver Colin. Ne gardant qu'un vague souvenir de sa tête d'enfant, Aurore a regardé sur instagram ce qu'il est devenu. Elle n'avait jamais eu conscience de sa success story : Colin joue quelque fois avec l'équipe première du PSG.
Soudain, une voix s'élève derrière elle :
- Qu'est ce que vous cherchez mademoiselle ?
Elle sursaute puis se retourne. Devant elle se tient un grand jeune homme qu'elle reconnait de suite : Kylian Mbappé, la coqueluche des Français, la star du football mondial alors qu'il n'a que la vingtaine. Impressionnée par le charisme du footballeur, Aurore cherche ses mots.
- Attends, mais je vous connais ! enchaine le jeune homme en s'approchant d'elle afin de mieux la détailler.
Aurore fronce les sourcils. Comment pourrait-il la connaitre : à chaque fois qu'elle voit Mbappé, c'est à travers son écran de télévision quand Paul, son frère, l'oblige à regarder des matchs de l'équipe de France. C'est d'un ennui ...
- Je cherche Colin Dagba, répond-elle, déstabilisée par le regard insistant du garçon en face d'elle.
- Vous êtes la fille sur qui j'ai veillé parce qu'elle était trop bourrée, il y a une semaine environ, s'exclame-t-il, tout content de se souvenir enfin d'elle.
- Je... je ne vois pas ce que vous voulez dire.
Il faut dire qu'Aurore a un total blackout de cette nuit là. A part quelques images qui lui reviennent, elle ne se souvient de rien. Mais il est vrai que ses amies lui ont parlé d'un mystérieux inconnu qui l'a emmené aux urgences, au milieu de la nuit et qui est resté jusqu'au petit matin, jusqu'à ce qu'elle se réveille, avant de s'enfuir comme un voleur. Laure trouve ça "tellement romantique" tandis qu'Aurore trouve ça simplement bizarre.
- Colin Dagba s'il vous plait, répète-t-elle gênée.
- Aurore, c'est ça ? C'est Kylian. Vous ne vous souvenez pas ?
Elle fait non de la tête et commence à s'impatienter. Le jeune footballeur lui fait signe de le suivre, toujours fasciné par ce pur hasard. Il a souvent repensé à cette fille dont il ne connaissait que le prénom. Il a, bien des fois, imaginé la retrouver au coin d'une rue ou encore dans un café. Mais c'est elle qui est venue le trouver, au camp des Loges. Quelle délicieuse situation !
Kylian se dirige vers la salle de musculation du Camp où il trouve Colin, au vélo elliptique. Le regard de son coéquipier est interrogatif. Kylian explique qu'il a trouvé cette jeune femme dans le hall d'entrée et qu'elle le cherchait.
Aurore interrompt la discussion des deux compères. Elle aimerait couper court à cette entrevue. C'est qu'elle n'a pas que ça à faire : dans une heure, elle doit être à l'autre bout de Paris dans un Zara pour commencer sa journée. Elle n'a trouvé que ça en attendant un véritable job de photographe.
- Colin ? Je suis ta cousine Aurore.
Colin la dévisage. Comment reconnaitre une cousine qu'il a vu que très peu de fois, et qui plus est, quand ils étaient gamins ? Pour aller plus vite, Aurore tend sa carte d'identité, afin qu'il ne l'assimile pas à une fan déjantée.
- Est-ce qu'il n'y aurait pas un poste de photographe à pourvoir ici ? J'ai apporté mon book.
La voix de sa prétendue cousine est ferme est déterminée. Colin ne sait pas quoi dire. Qu'est ce qu'il en sait des postes à pourvoir ? Il aimerait la rembarrer, lui dire d'aller se faire voir, mais retrouver sa cousine, un membre de sa famille, après tant d'années lui en fout un coup. Il balbutie :
- Il faut voir ça avec le staff.
- Je peux l'emmener, dit Kylian, enthousiaste.
Colin acquiesce. Aurore s'éloigne de lui, un peu déçue par la conversation qu'ils ont tenus. Elle aurait aimé avoir un accueil plus chaleureux.
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