Amy
Bon sang, où suis-je tombée ? Il doit faire moins trente, au bas mot, et il n'y a pas un chat à l'horizon. Devant moi, tout est blanc. A ma droite, tout est blanc. Et à ma gauche ? Gagné ! Encore ce satané blanc. Il n'y a que derrière moi qu'il y a de la vie. Enfin, si on peut appeler ça de la vie. Un vieux coucou, à la peinture – blanche évidemment – écaillée, avec une hélice qui rate un tour sur trois, et dont le pilote doit avoir au moins quatre-vingt-dix ans. Il s'est plaint de son arthrite tout le long du voyage, de notre départ d'Anchorage, jusqu'à notre arrivée dans cet endroit au nom imprononçable. Pratiquement neuf-cent kilomètres pendant lesquels j'ai essayé de survivre, tant au discours du pilote, qu'à l'aéroplane dans lequel j'ai fait le trajet. J'ai cru mourir au moins cinquante fois d'un arrêt cardiaque, et presque autant de froid. En même temps, j'aurais dû écouter Jonah, quand il m'a dit que mes sneakers n'étaient pas adaptées à l'Alaska. Et puis, qu'est-ce que j'y connais, moi, à l'Alaska ?
Tu voulais du dépaysement, Amy, et bien te voilà servie !
J'aurais dû fuir, quand mon père m'a proposé de partir, à l'autre bout du monde, pour m'occuper d'un minerai. Déménager sur Pluton, voilà ce que j'aurais dû faire. Au moins sur un planétoïde, je n'aurais pas eu à subir le froid de l'Alaska !
Le pilote du petit avion s'avance vers moi, en enfilant ses moufles et en ajustant son bonnet de laine, et dans un sourire me balance mon unique valise à mes pieds.
— Faut marcher environ trois cent mètres sur vot' droite pour arriver à l'aérodrome de Selawik. Là-bas, demandez John et dites-lui que c'est Jack qui vous envoie. Il vous enverra Chris qui vous emmènera jusqu'à Kobuk où vous rencontrerez Clayton.
Mon cerveau gelé a perdu le fil, de ce que le sosie de Gene Hackman m'a raconté, après avoir entendu qu'il fallait marcher. J'aime la marche. Mais je la préfère sous mon soleil australien que dans cinquante centimètres de poudreuse alaskienne. D'ailleurs, arrivée à l'aérodrome, je suis persuadée que ce ne sera pas un prénommé John qu'il faudra que j'appelle, mais bien un chirurgien orthopédiste pour l'amputation de mes jambes.
— Merci, Mitch, ces informations me seront précieuses, ironisé-je en ramassant mon bagage pendant que l'homme regagne son engin.
Le vieillard stoppe sa course, et se tourne pour me faire face. Dans un sourcil dressé, il me demande :
— Qui est Mitch ?
— Heu. Vous !
— Oh bah non, mon p'tit, moi c'est Jack ! Faut suivre un peu !
— Mais alors, qui est Mitch ?
— J'en sais fichtre rien, moi ! C'est vous qui avez parlé de lui.
L'homme hausse les épaules et me laisse en plan devant l'étendue neigeuse, et même en cherchant bien, on n'y voit pas à plus de cinquante mètres à la ronde. Autrement dit : zéro vision d'un aérodrome ! Intérieurement, je maudis mon père et mon meilleur ami pour leur plan stupide. Acheter une concession minière à plus de douze mille kilomètres, voilà l'idée du siècle. Quant à moi, je suis encore plus stupide d'avoir plié face à leurs regards dignes du Chat Potté dans Shrek.
Je ramasse ma petite valise, me demandant qui est Mitch, car je suis certaine qu'à un moment donné de ce périple qui n'a ni queue ni tête, je vais devoir en trouver un, et me mets en route. Mon jeans est trempé à force de m'enfoncer dans toute cette neige, mes orteils sont certainement en train de se nécroser, et je change ma valise de main à peu près toutes les dix secondes, afin de glisser celle qui est libre dans mes poches. J'en pleurerais tellement cette situation me rend dingue. Il faut dire que de là où je viens, pour se déplacer d'un endroit à un autre, on se sert principalement de quatre-quatre, dans lequel on n'oublie pas de prendre des réserves de carburant, juste au cas où. Et ce, même si nous n'avons pas une route définie pour aller du point A au point B. Mais ici, à part par les airs, il n'y a aucun moyen de locomotion possible. Je réalise la véracité de ma pensée et la panique reprend de plus belle. Je vais devoir monter encore une fois dans un satané engin volant ! Comme si avoir pris quatre avions en quarante-huit heures n'était pas suffisant, il faut en ajouter un autre.
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If You Seek Amy [SOUS CONTRAT D'EDITION BLACK INK]
Romance⚠️⚠️⚠️ Histoire sous contrat chez Black Ink ! Sortie prévue en 2025 ! ⚠️⚠️⚠️ ⚠️Histoire ayant été élue coup de pouce Fyctia pour le prix de la new romance 2024 ⚠️ ⚠️ Seulement 5 chapitres (avec le prologue) sont disponibles sur cette plateforme. ⚠️ ...