April

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Il est 5h37 et je suis déjà prête. La rentrée est programmée pour 8h45, mais comme chaque année le stresse et l'impatience se jouent de moi et je suis incapable de dormir. Ma nuit blanche se lit d'ailleurs sur mon visage – j'ai de vilaines cernes qui parcourent le dessous de mes yeux. Je tente de les cacher avec un correcteur mais rien n'y fait on dirait un zombi. Pourtant, ne suis-je pas la digne fille de Blanche-neige ? Ne suis-je pas sensé être d'une beauté parfaite et avoir le visage le plus pure.

Si.

Mais ce n'est pas moi.

Moi je suis April, et je ne ressemble en rien à mes parents. Je ne suis pas la petite fille parfaite qu'ils espéraient, j'en suis plutôt tout le contraire. Je n'ai d'une princesse que le titre et ça tout le monde le sais.

Je jette un derniers coup d'œil à mon reflet, tout ce que j'y vois c'est le regard terne d'une jeune fille perdue et maigrichonne avec – certes – de magnifique cheveux noir de jais : comme ma mère. Je sors de ma chambre et me dirige vers la cuisine. J'emprunte les passages secrets du palais, réservés au domestiques, mais très utile pour faire venir des amis (ou de charmants garçons) en douce. Je remonte alors les longs couloirs sombres et humides plongés dans le noir, que je préfère au reste du palais. Je n'aime pas vivre dans un château, ce n'est pas moi, je ne m'y sens pas à ma place. Les moulures au plafond, les grands tapis rouges, les lustres de diamant et les peintures de la renaissance : rien de tout cela ne me ressemble. La noirceur et la morosité : voilà ce que je suis, et ces passages secrets sont tout à mon image. Bien qu'il ne soit qu'à peine 6h, les passages sont loin d'être vides. Les domestiques sont déjà debout depuis des heures pour nettoyer de fond en comble le palais et préparer le petit-déjeuner de la famille royale. Enfin, le reste de la famille royale. Voilà  des années que je ne n'ai plus pris de petit-déjeuné avec ma famille ; la perfection qu'incarne mes parents et mes frères et sœurs m'est insupportable. Et dire que c'est moi qui monterai sur le trône à la mort de mes parents.

Quel échec.

Mais pour l'instant, je me contente de faire ma rentrée  au lycée Blossombay High school, avec tous les autres enfants nobles du royaume. C'est une vraie torture au quotidien, côtoyer tous ces enfants de bourges snob. Beurk. Mais je n'ai pas le choix car c'est « mon devoir de princesse et de futur reine » me répétaient sans-cesse mes parents. Je secoue la tête, inutile de ruminer à propos de mon triste sort. Je me plaque contre le mur froid et humide, pour laisser passer une domestique chargée d'un énorme plateau de viennoiserie, pour le petit-déjeuner royal évidemment. Ici, on ne me remarque même plus, je fais partie du décor. Les domestiques ont pris l'habitude de me voir traîner dans ces labyrinthes secrets plutôt que dans les immenses couloirs du palais, ils se contentent donc de faire ce qu'ils ont à faire, sans s'accommoder du traditionnel « votre    Altesse », accompagné - évidemment – d'une gracieuse révérence. J'émerge enfin des sombres passages secrets et entre dans la somptueuse cuisine du palais. Les meilleurs chef cuisiniers y sont réunis et travaillent d'arrache-pied pour satisfaire la famille royale. Une bonne odeur règne déjà dans la cuisine mais comme d'habitude, je craque pour mon fruit préféré : une pomme rouge. Ironique non ?

- Bonjour princesse April, comment vas-tu ma jolie ?

Je me retourne et vois Ilmaa au fond de la cuisine, assise à une table en train d'éplucher des poires. Ilmaa était ma gouvernante lorsque j'étais petite. Mes parents l'ont destituée de sa fonction et transférée en cuisine lorsqu'ils ont décrété que mon éducation avait été un échec. Depuis, la pauvre bonne femme me fais beaucoup de peine car je sais qu'elle s'est démenée pour me donner la meilleure éducation, et j'aurais voulu bien me tenir, juste pour elle. Mais j'avais trop de colère en moi et je voulais voir mes parents payer, j'ai donc décider de devenir une ordure, mais une ordure royale.

- Bonjour Ilmaa, comment vas-tu ?

- Je vais bien ma belle, c'est gentil de demander. Veux-tu de la tarte aux pommes j'en ai préparer une pour toi. Elle est au frais.

Du grand Ilmaa, la gentillesse incarnée.

- Non merci, mais c'est adorable. Je n'ai pas dormi de la nuit, et je crois que je suis incapable d'avaler quoi que ce soit.

Sur ces paroles, je jette la pomme que j'avais à peine entamée, ce qu'Ilmaa ne manque pas de remarquer.

- April, quand on prend quelques chose à manger, on le termine. Sais-tu que beaucoup de gens dans ce royaume ne mange pas à leur faim. Tu ne peux pas te permettre ce genre de comportement en tant que princesse.

- Excuse-moi Ilmaa. C'est juste que j'ai le ventre tout noué.

- Je ne veux pas de vos excuses princesse, moi j'ai à manger chaque jour dans mon assiette, c'est à votre peuple que vous devriez penser.

Je claque un bisous sur sa joue fripée, avant de m'éloigner vers la sortie de la cuisine, mais avant je lui   lance :

- Ne t'inquiète pas Ilmaa, quand je serais Reine, les choses changeront et le peuple mangera à sa faim.

En quittant la cuisine, je la voie et l'entends rouspéter quelque chose, mais je ne comprends pas à cause du bruit qui règne dans la pièce. Je tourne les talons, repousse mon épaisse chevelure ébène derrière mes frêles épaules et attrape mon téléphone derniers cris pour envoyer un message à ma meilleure amie, Aspenn.

La fille de la méchante reine.

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