Royal Academy

Aspenn

Après l'appel d'April, j'ai laissé tomber l'étape du mascara pour me concentrer sur ma crinière. J'ai les cheveux noirs parsemés de mèches violettes sur les cotés de mon crâne. Je les ai toujours portés très longs, en queue de cheval bien haute, sur le sommet de mon crâne pour faire ressortir les mèches colorées. Cependant cet été, sur un coup de tête j'ai décidé de tout couper. Très court. J'ai maintenant une coupe carré, qui m'arrive au menton, faisant ressortir les traits de mon visage assez droits. Je dois donc lisser mes cheveux, car sinon ils gonflent et me donne un air et une coupe de champignon.

Je jette un rapide coup d'œil à mon téléphone pendant que je prépare mon sac; j'ai plusieurs messages d'April et un bon quart d'heure de retard. Je me rends au lycée en métro, car contrairement à la majorité des élèves de Blossombay Highschool, je n'ai pas de chauffeur privé. J'aurais donc dû partir il y a un quart d'heure pour arriver au lycée à l'heure convenue. Je préviens April que j'aurais 20 bonnes minutes de retard et file en direction de la station de métro la plus proche de chez moi, de la musique dans les oreilles.

Je suis sur le quai depuis déjà 10 minutes, mais aucun métro ne daigne pointer le bout de son nez, je vérifie mon portable et consulte mes notifications. Noyés entre mes notifications twitter, je remarque deux nouveaux message d'April me demandant ce que je fabrique. Je décide de les ignorer. Quelques minutes s'écoule encore sans qu'aucun train ne passe. Le quai est maintenant plein à craquer, je vais avoir du mal à monter dans le prochain métro - enfin - si il passe. Ma playlist fini par se couper tellement j'attends, alors je la relance et en profite pour répondre à April : "problème sur ma ligne, ne m'attends pas, bisou <3". Alors que je lève les yeux de mon smartphone, j'aperçois - enfin - les fards du métro briser l'obscurité, mais comme il fallait s'y attendre je n'ai pas réussi à monter dans la rame. Pour la dixième fois, je consulte l'heure sur mon smartphone en pestant intérieurement d'être en retard le jour de la rentrée. J'aperçois une place se libérer à un banc, alors je fonce m'assoir les pieds meurtris dans mes nouvelles bottes compensées noires. Je laisse ma tête aller contre le mur en poussant un long soupire. Je ferme les yeux et me concentre sur ma musique, mais j'entends déjà le bruit d'un train sur les rails qui entre en gare. Cette fois, je rentre dans la rame sans problème, j'irais même jusque dire que c'est étonnement calme. Je consulte une dernière fois mon smartphone mais rien à faire : je serais en retard.

20 minutes de trajet plus tard, j'arrive enfin au lycée. Je sors de la bouche de métro en courant mais il est déjà 9h passé... Je suis en retard de plus d'un quart d'heure. J'essaie de maintenir le rythme en traversant l'allée principale du campus, mais mes pieds me font vraiment souffrir. Je continue sur quelques mètre encore avant de capituler, les larmes aux yeux : j'ai trop mal. Je passe le portail du parc, où j'étais censée retrouver April il y a plus d'une heure; il faut traverser le parc pour accéder au bâtiment principal du lycée. Je suis train de longer le terrain de polo - sport officiel du lycée privé de Blossombay s'il vous plaît - quand j'entends ce qui ressemble à un cheval au galop s'approcher. Je vérifie le terrain de polo à ma gauche : il est vide. Je deviens folle.

- T'es perdue ?

Je me retourne en sursautant. Un jeune homme aux cheveux et aux yeux d'un noir profond me fait face. Il arbore un puissant étalon, noir lui aussi. Je ne l'ai jamais vu, mais je suppose qu'il s'agit d'un de ces stupides enfants de bourge qui emplissent  les couloirs de Blossombay Highschool. 

- Non du tout, je suis juste en retard. Comme toi on dirait.

Il me regarde avec un air choqué : bim dans le mile ! Je hausse les sourcils l'air provocateur, c'est naturel chez moi. 

- C'est vrai. Mais j'ai une vraie excuse moi.

- Et qu'est-ce que tu insinues par là ?

- Je ne sais pas, peut-être que moi, je suis en retard car j'ai dirigé les sélections de polo de ce matin, alors que toi, tu es en retard parce que tu as mis trop de temps dans la salle de bain ?

- Et peut être que moi, je suis en retard car je ne suis pas une gosse de riche privilégiée, alors que toi, ton plus gros soucis dans la vie c'est le polo ?

Une ombre passe sur son visage ; je tranche : 

- Peu importe en réalité, je n'ai pas plus de temps à perdre avec des garçons d'en ton genre.

Je lui lance ce que j'appelle "le regard Aspenn" et je hausse les épaules avant de me retourner et de poursuivre mon chemin. Je l'entends descendre de son cheval dans mon dos. Soudain, je le sens tout proche de moi, juste derrière moi. Je me retourne et me retrouve face à lui, ayant soudain conscience de notre proximité.  J'ai envie de reculer, mais mon corps ne m'obéit pas. J'ai les jambe en coton et mes bras se recouvrent de chair de poule. Je lève les yeux vers lui, mais il me fixe déjà de ses prunelles noires, noires comme une pierre d'onyx. Il se penche légèrement vers moi, je crois qu'il va m'embrasser et une énorme pression s'exerce dans mon ventre. Tout se déroule au ralenti. Au derniers moment, il replace une courte mèche de mon carré derrière mon oreille, effleurant ma peau au passage qui est parcourue de frissons. Il se penche encore et chuchote à mon oreille d'une voix raque et suave : 

- Et dit-moi alors quel est ton genre de garçon ?

Il se redresse un étrange sourire aux lèvres. Séduisant, et méprisant à la fois, je panique et bredouille une excuse inaudible avant de partir en courant. J'ai toujours mal aux pieds mais la honte et la colère qui me consume me permettent d'avancer.  Je ne m'arrête qu'à l'entrée du lycée et m'autorise un dernier regard en arrière. L'inconnu est remonté en selle, et galope dans la direction opposée à la mienne. Je me retourne et souffle un grand coup, prenant enfin conscience de fait que je retiens ma respiration depuis le contact de ce garçon. 

Ridicule, j'ai été ridicule.