Les naaru ne jouent pas aux dés

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D’où vient la Lumière ?

Je n’ai pas toujours été prêtresse. Pour tout dire, ce n’est pas la nécessité qui m'a amené sur cette voie, et même si je me sentais redevable envers les naaru, c’était aussi pour mieux comprendre ceux dont nous étions dépendants. Avant cela, j’étais ce que les gens pourraient appeler une chercheuse. J’observais les étoiles à l’aide de télescopes et notais leur mouvement et leur couleur. Nous étions beaucoup à pratiquer de telles activités. En quelques sortes, nous voulions garder notre capacité de compréhension afin de continuer à pouvoir nous adapter aux épreuves quelles qu’elles soient.

Nous étudiions les mondes lointains, mais aussi ce que nous pouvions tenir entre les mains, la matière qui fait les choses. Nous archivions ses réactions à la rencontre d’autres matériaux, à celle de la chaleur ou de la vitesse.

Et puis, nous étudiions l’énergie. Elle nous avait toujours fascinés, plus que tout le reste. Nous examinions les agencements de cristaux dans le vaisseau et tentions de reproduire leurs effets avec des pierres moins massives.

Mais la Lumière restait incomprise. Elle était l’énergie qui soulevait toute les interrogations. L’énergie ? Même de cela nous n’étions pas certains.

La question s’est posée de la légitimité de telles recherches. Chacun s’accordait à admettre le savoir comme étant notre bien le plus précieux, mais nous ressentions certaines réticences. Nous avons fini par convenir de ceci et de l’importance d’enrichir ce patrimoine, mais une sorte de consensus s’est inconsciemment mis en place, et tout le monde évitait le sujet. Les chercheurs ont cherché d’autres choses, car il y avait bien d’autres choses à comprendre.

Voilà ce qui motivait mes choix. Je voulais comprendre la Lumière au plus près, et établir un dialogue entre deux ramifications importantes de notre société qui avaient évolué en parallèle sans encore se croiser.

Je n’ai pas eu tout le temps que j’aurais souhaité, et la suite est la bien tristement connue fuite de Draenor. Mais aujourd’hui, alors que je rejoignais ce qu’il restait de Shattrath et que l’Aldor m’accueillait à nouveau, j’avais l’occasion de continuer mon travail, celui d’un nombre écrasant de notes et de calculs. Ce travail qui était motivé par une seule et magnifique idée; celle que tout est lié, que la Lumière, la matière et les êtres vivants faisaient partis d’un même tout.

J’ai recommencé à travailler la Lumière tout le jour, cette fois-ci avec certains des plus grands prêtres draeneï. Et la nuit, je passais des heures à transcrire toutes mes observation, chaque ressentis, en m’interrogeant sur la provenance de chacune des perceptions.

D’où vient la Lumière ? D’où vient-elle et y en a-t-il en abondance ? Comment traverse-t-elle le vide, instantanément, pour venir s’enrouler autour de mes doigts ? Peu à peu j’ai commencé à trouver des solutions à ces énigmes. J’avançais, une découverte après l’autre, mais j’avançais.

Mais il était toujours difficile d’en parler, et seule je ne pouvais pas m’en sortir. Il était temps de ramener le sujet sur le tapis et d’ouvrir les esprits une fois pour toute. Nous ne pouvions pas nous permettre de devenir comme ces elfes de la nuit qui s’imposaient des tabous. Les échanges diplomatiques avait soufferts de façon totalement disproportionnelle lorsque nous n’avions fait que de suggérer nos observations à propos de E’lune. Hors de question de laisser s’installer pareil obscurantisme pour nous. Nous n’y survivrions pas.

Les années qui ont suivi ont posé peu à peu les bases d’une communication entre les prêtres des naaru et les chercheurs qui étudiaient la Lumière. À ma grande surprise, l’idée n’avait pas été tout à fait abandonnée et je pu rencontrer quelques draeneï qui avaient fait d’intéressantes observations à ce sujet. Nous avons fini par pouvoir nous exprimer librement et cette fois le savoir n’avait plus à faire de compromis. Bien sûr, la plupart pensait que nous perdions notre temps, mais nous persistions, persuadés que ces connaissances pourraient nous servir un jour et que certaines de nos découvertes avaient des applications plus directes.

C’est sous ce climat nouveau qu’une nuit, comparant mes notes à la lueur rosée d’un petit cristal, toujours travaillant sur ma théorie qui lierait toutes choses, j’ai pris conscience du paramètre qu’il m’avait manqué depuis le début. J’ai réalisé ce qu’était cette chose que je ne voyais pas dans mes calculs et qui pourtant était là depuis toujours, entre mes yeux et les lettres. Je n’avais pas pris en compte ce que l’espace entre les mondes avait en plus grande quantité : le Vide.

J’ai relu. Tout, absolument tout ce que j’avais écrit, chaque donnée. Tout semblait correct mais ce n’était pas suffisant. Ce que cela impliquait, c’était que non seulement les êtres vivants, la matière qui composent leur corps et la Lumière étaient imbriqués, mais également ce qui avait créé les démons primordiaux. Je ne pouvais pas présenter ma théorie sans en être absolument certaine et en avoir les preuves irréfutables. Je n’allais pas risquer de fragiliser plusieurs années de relations raisonnées pour ce qui était pour l’instant seulement théorique et qui pouvait absolument le rester.

Mais il me manquait des observations importantes pour confirmer mes calculs, celle relevant du Vide. Il se trouve que c’est un sujet que j’avais étudié de manière soutenue dans le Génédar, et dont j’avais pris soin de prendre l’ensemble des travaux à bord de l’Exodar. C’est un soin que je n’avais pas eu alors que j’avais rejoint la Draenor détruite.

Je devais y retourner. Il me fallait au plus vite rentrer à l’Exodar pour y récupérer ces documents. J’ai pris congé de l’Aldor dans les jours qui ont suivi, promettant que mon absence serait d’aussi courte durée que possible, et je me suis embarquée pour traverser à nouveau la Porte des Ténèbres, mais si l’idée ne me réjouissait pas.

J’ai tout fait pour ne pas regarder le paysage autour de moi. Pas que je ne m’y étais pas habituée depuis, bien qu’il y avait un peu de ça, mais j’avais surtout peur de ma propre réaction si je recroisais au loin un monstre qui errait.

Je suis finalement arrivée devant la Porte qui était encore plus grande et plus terrifiante de ce côté-ci des deux mondes. J’ai laissé sa lueur verte m’attraper et me tirer, m’allonger à sa guise. Mais comme je ne bougeais plus et que mes yeux étaient ouverts, je vis le vert virer à l’ocre et puis au pourpre, un rouge plus violent que la peur, et alors le noir. Plus rien.

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