Chap 10 : l'Immonde

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Quand Nathanaël ouvrit ses yeux, il ne vit rien. Du noir, uniquement du noir. Mais pas le noir d'une nuit sombre, non, un noir d'un monde dépourvu de lumière, de toute source de clarté quelconque. Lui qui avait l'habitude de bien voir dans l'obscurité, il était plongé dans un ébène terriblement angoissant, oppressant, écrasant. L'air était étouffante, et pourtant il faisait terriblement froid. Il n'avait aucun appuis sur un sol, il était comme pendu par les bras dans un vide infini. Son dos était souillé de sang sec, ses omoplates fendues, les os de ses ailes arrachés, lui laissant une douleur insoutenable. Il voulu bouger, et remua légèrement, se retrouvant totalement incapable de se mouvoir, entravé par des chaînes d'or qui lui pinçaient la peau. Il poussa un râle, et fit teinter ses liens de métal précieux en voulant s'en débarrasser. Où était-il ? Ça pue la mort ici, le cadavre, le désespoir et la peur... était-il seul ici ? Il lui semblait entendre des sanglots au loin, des cris, des hurlements...

Un cris moins lamentable le fit sursauter,et une lumière froide lui brûla brutalement la rétine, comme si ses yeux étaient obligés de restés ouverts, incapable de se protéger derrière ses paupières et ses longs cils noirs. Quand il retrouva enfin la vue, pour la première fois de sa vie, Nathanaël se retrouva face à un vrai, monstre. C'était une femme, du moins jusqu'à la taille, avec de longs cheveux verts gras, d'où sortaient de longues oreilles déchiquetées. Le visage vide, aucun œil, aucun nez, aucune bouche, rien. Il n'y avait qu'un trou béant noir, rempli de crocs jaunes immondes, d'où sortait un grondement profond, comme un râle dégoûtant qui viendrait directement de l'estomac d'une bête affamée. C'était sûrement ça, un trou direct vers l'estomac... Un buste de femme, avec de petits seins flétris, des bras solides terminés par des mains griffues. En dessous de la taille famélique du monstre, une ceinture terminait son corps humanoïde, une large lanière de cuir ornée de têtes d'animaux sauvages, comme des loups, des ours et des sangliers. Là était la frontière entre un corps de femme et le reste de son corps , celui d'un dragon aux écailles vertes sales, avec quatre énormes pattes, une minuscule paire d'ailes déchiquetées et une queue courte, sectionnée par une balafre purulente. Elle était énorme, immonde, et très, très en colère.

Soka, la Gardienne du Tartare. Une créature plus vieille encore que Metatron et Endricksen, enfermée ici il y a très longtemps pour garder le lieu. Dans la main de la bête, luisait une lance, terminée d'un côté par une pointe d'or meurtrière, de l'autre, par un fouet fait de fils d'or. L'or béni, la seule arme qui puisse blesser même les immortels.

Quand la Dragonne s'approcha du jeune ange déchu, l'odeur de mort et de pourriture le prit à la gorge, et la peur aux entrailles. Il était terrorisé, et personne ne l'entendrait hurler.

Alors qu'il s'attendait à être violenté, dévoré, ou pire, il ferma les yeux pour attendre les coups, mais jamais rien ne se passa.

Au contraire, une douce chaleur l'envahi, et une lumière agréable, bien que forte, le baigna soudain, lui faisant ouvrir les yeux. Devant son regard rouge, se tenait la grande silhouette d'un homme, mais il ne savait rien de plus, puisque la forme était entièrement faite d'une lumière jaune incroyable. Il lui sembla, un cours instant, se souvenir d'avoir déjà vu cet homme, mais il ne savait d'où. Quand la silhouette parla, se fut d'une voix tendre, douce, chaude, apaisante. Il faisait tâche dans ce monde de noir dans lequel il avait été jeté.

« Bonjour mon fils... Comme tu as grandis... »

Nathanaël écarquilla les yeux, son souffle coupé par l'identité de la personne en face de lui. Son père ? Endricksen lui avait déjà dit qu'il n'était pas son père, et qu'il était le fils aîné du Seigneur, mais il ne l'avait jamais revu depuis le soir de sa naissance. Il avait donc Dieu, son père, juste devant les yeux.

« Père ? Qu'est-ce que je fais ici, pourquoi on m'a fait ça ? Je ne voulais rien faire de mal... S'il vous plaît, je veux rentrer à la maison... pitié... j'ai mal... » geint le jeune homme,

tirant sur ses liens en se mettant à sangloter. Il fut alors prit par une étreinte tendre, tiède, rassurante. L'Entité venait de prendre son fils dans ses bras. La jeune créature sanglota contre lui, mettant sa tête contre son torse. Le Dieu lui caressait le dos, avec une tendresse poignante.

« Pardonne moi... nous savons ce que nous faisons... » murmura son père dans son oreille.

Nathanaël fronça les sourcils, ne comprenant pas bien ce qu'il voulait dire, et voulu lui répondre, mais il fut coupé par une douleur immense, le visage surpris, et sentit l'afflux de sang lui monter dans la gorge et noyer sa bouche et son nez, dégoulinant sur son visage. Son père recula, et Nathanaël baissa la tête, regardant son torse. En plein milieu, sortait de son corps la pointe d'or de la lance de Soka, qui, derrière lui, venait de le transpercer. Le jeune remonta le regard sur l'Entité, dont la face ne présentait aucun visage.

« Rendons au Mal, ce qui revient au Mal... » résonna sa voix,

pendant que dans les mains du Dieu apparaissait un marteau et un poinçon. Il s'approcha de son fils abruti par la douleur et affaibli par son corps se vidant de son sang par la plaie béante de son torse. La pointe toujours en lui, il n'avait pas la possibilité de se soigner seul.

Durant de longue heure, avec ces outils, le père marqua le fils, traçant dans sa chaire des symboles qui recouvrirent rapidement son corps. Tout en mutilant la peau de la jeune créature, il prononçait la malédiction que ces symboles scellaient par dessus les hurlements de douleur de son enfant.

« Noir parmi le blanc, rouge parmi l'or, étranger, impure de sang, tu ne répandras que la mort. Croque Mitaine, souillure de ce monde,tu es, et resteras l'Immonde... »

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⏰ Dernière mise à jour : May 27, 2021 ⏰

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