3- Cambriolage

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            Les canons des deux pistolets se touchaient presque.

            À chaque bout, il y avait un visage tendu et un regard aussi déterminé qu'irradiant la peur. Un bruit impromptu se produisait à cet instant, et quelqu'un ferait feu ; difficile de dire qui des deux tirerait le premier. Aucun n'avait envie de tuer.

            Lui portait une veste d'uniforme russe, étoile rouge bien visible comprise, par-dessus ce qui ressemblait  à une tenue d'officier allemand clairement pas faite pour sa taille. Ses petites lunettes rondes aux verres épais lui donnaient un air sage d'autant plus perturbant vu l'instant présent.

            Helen était vêtue d'un vieux treillis militaire américain, informe et sans aucun signe distinctif, dont la seule touche d'élégance était sa canne au pommeau d'argent. Son chignon sophistiqué et soigné semblait incongru dans ces lieux.

            Tous deux se faisaient face dans les profondeurs des galeries d'aération de la mine d'Alt Aussee,que les nazis se préparaient à évacuer en fuyant les avancées soviétiques et américaines. Il allait se passer quelque chose et Helen appréhendait que ce soit quelque chose de très désagréable.

            "Do you speak English ?"

            Il répondit par l'affirmative avec une touche presque oxfordienne. Il y eut un gros soupire de soulagement des deux cotés, et chacun décida de ranger son arme. L'échange qui suivit fut très bref. Le russe présumé résuma à l'américaine présumée :

            — Dans cinq minutes, tout saute ; Sieber a posé les charges, alors quoi que vous vouliez faire, on le fait maintenant.

            Helen décida prestement que les éclaircissements attendraient à plus tard.

***

            Helen se réveilla en fixant longuement l'obscurité. Il était rare que l'un de ses rêves vienne la perturber assez pour la sortir de son sommeil. Même quand il s'agissait d'un souvenir, et même aussi marquant que celui-ci. Dans la pénombre, elle se tourna sur sa voisine qui partageait son lit. Calliopé y était étalé de tout son long à moitié habillée et dormait comme une souche en ronflant. Les deux bières et trois verres de vieux Islay qu'elle avait descendus dans la soirée ne devaient pas y être étrangers.

            L'entrevue avec la police locale de Blanc-Mesnil avait été longue et laborieuse. Prévenus par le système d'alarme du pavillon de Calliopé -au moins celui-ci avait-il fonctionné- ils étaient intervenus en armes avec la ferme intention de mettre la main sur les cambrioleurs. Un houleux contrôle d'identité plus tard, ils constataient qu'en effet, ils avaient été quelque peu enthousiastes à espérer avoir choppé les voleurs en flag'. Commença donc la visite de la scène du crime, et les questions de circonstance, tandis que les officiers de police s'ébattaient dans l'appartement remarquablement retourné de fond en comble.

            — Bien.... que vous a-t'ont volé ?

            — Non, mais qu'est ce que vous voulez que j'en sache ?! Je viens d'arriver, et ma maison a l'air d'avoir été attaquée à la roquette antichar ! Je n'ai même pas eu le temps de regarder !

            Suivie par la maréchaussée, Calliopé commença par vérifier si son colt Cavalry était toujours présent. Le vieux pistolet n'était de loin pas l'objet le plus précieux chez elle, mais il avait la déplaisante caractéristique d'être celui qui pouvait causer le plus de dégâts. Il était toujours là, dans sa boite, elle-même cachée dans le coffre de son appartement. Forcé et grand ouvert. Elle poussa d'autres jurons colorés en mandarin.

Héritages, livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant