— Helen, quel âge as-tu ? Pas l'officiel, l'âge écrit sur tes papiers où celui que tu prétends avoir publiquement, je sais que c'est faux. Quel est ton âge véritable ?
L'intendante se figea, se sentant soudainement mise à nue, avec la boite de son cadeau dans les mains, totalement stupide, prise au dépourvu comme jamais. Dans le regard bleu de Calliopé, il n'y avait ni colère, ni reproche, mais de la détermination et de la curiosité. Helen eut l'impression incongrue au possible, surtout face à la jeunesse de son amie, de se retrouver telle une petite fille prise en pleine faute.
Elle savait. Helen ignorait comment, mais elle réalisa que Calliopé savait tout ou, tout du moins, assez pour que tenter le moindre mensonge soit désormais vain. Elle ne pourrait pas plus lui cacher son secret qu'elle n'avait pu le cacher à Alice, sa mère.
Un faible et adorable miaulement aigu sortant de la boite qu'elle tenait en main fut une diversion miraculeuse pour lui permettre de retrouver un peu d'aplomb.
***
— Tu vas lui acheter un chat ? Quelle drôle d'idée.
— Pas lui acheter. Il me semble que nombre de refuges débordent autant au désespoir d'animaux abandonnés qu'ils manquent avec la dernière cruauté de moyens de les maintenir en vie. Calliopé a souvent émis le souhait qu'il manquât un chat à son bonheur et son domicile et j'ai pu constater quels sont ceux qui ont sa préférence. Le moment me semble bien choisi pour un tel cadeau non ?
Jean –Marc tenait le volant en traversant Fresnes vers un refuge animalier spécialisé dans les chats. Il n'avait jamais vu Helen conduire et, à sa connaissance, elle n'avait pas de voiture, bien qu'il soit persuadé qu'elle avait appris depuis belle lurette.
— Au fait, merci, Helen. Ton avocat est venu prêter main-forte avec je ne sais quels dossiers et noms sous le coude, mais qui ont fait ouvrir des yeux ronds au procureur. Il avait l'air contrarié ! Clairement, il aurait pu nous jeter de l'audience à coup de pied au cul en nous envoyant au diable, il ne se serait pas gêné.
— Je craignais que votre garde à vue se prolonge bien au-delà de 24 heures ; il m'est apparu nécessaire de déployer les moyens les plus convaincants possible pour vous épargner un séjour particulièrement désagréable dans ce genre de lieux insalubres. Cela m'aura couté quelques dettes désormais honorées et sur lesquelles je ne pourrais plus compter. Mais il me semble que le prix reste fort raisonnable en regard de votre intervention, à vous et votre époux, non ?
Jean-Marc éclata de rire :
— De rien aurait suffi comme conclusion ! Je ne me serai pas senti forcé d'épiloguer. Mais oui, je te remercie encore une fois. Karl supporte mal la taule et 18 heures ont déjà été très pénibles à gérer, il commençait à projeter des idées d'évasion spectaculaire.
— Et je suppute qu'il en avait les moyens ?
— Ben... oui, ou au moins de se mettre dans une merde noire et que j'y sois aussi, forcément. Le raisonner, je sais faire, mais dans ces moment-là, ça devient très difficile.
Helen acquiesça tandis que Jean-Marc manœuvrait dans les faubourgs. Le refuge, une ancienne ferme réaménagée, était au bout d'une route qui n'avait plus été entretenue depuis trop longtemps. Le SUV avait beau être confortable, il était secoué et Helen retint avec une petite moue d'exaspération le gobelet de son thé Gyokuro.
Après un silence concentré, en vue du refuge, Jean-Marc se tourna sur Helen :
— Désolé pour les secousses, il est pourri leur chemin. Mais je voulais finir sur un dernier point avant qu'on soit envahi par un machin griffu et miaulant : tu as conscience que ce n'est pas fini, n'est-ce pas ?
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Héritages, livre 1
Science FictionLa Troisième Guerre Mondiale n'a jamais eu lieu. Et personne ne le sait. L'arbre-Monde d'Erdorin s'est éteint et l'humanité poursuit sa vie mouvementée sur son bout de planète bleue sans savoir qu'autour d'elle, il y a des centaines de mondes hab...