Apprivoisons-nous

Chapitre 9

     Gwendolyn

   Je fuyais le plus vite et le plus loin possible. J'étais désorientée, ma tête tournait et j'avais l'impression que tous les sons de la forêt résonnaient à haut volume dans mes oreilles. J'entendais le vent dans les arbres, le hibou qui hululait au loin, les feuilles et les branches qui craquaient sous mes pieds, le bruissement de mes cheveux dans mon dos et, pire, le combat qui se déroulait derrière moi entre le loup du Bloc 5 et les gardes de la prison.

   J'errai jusqu'au petit matin où je tombai sur le chemin menant à ma maison. Mes parents, au courant de ma fugue, me privèrent de sortie pour la semaine. Uriel avait pour mission de me déposer et de venir me chercher au lycée tous les jours et, même si cela se comparait à de la torture depuis que mes sens étaient hypersensibles pour une cause qui m'échappait encore, cela me permettait de m'éloigner de la meute pour quelques heures.

   Nous étions samedi et, comme j'avais fait profil bas toute la semaine, mes parents levèrent la punition. Aussitôt, je savais ce que je ferais de ma journée : il fallait que j'aille à Elk River pour découvrir ce qui m'arrivait. Mon frère, Uriel, accepta de me déposer en ville et je me débrouillai pour prendre le bus qui menait à la prison. Là, je remplis une fiche, fus fouillée et on me mit dans une pièce vide.

   Les murs, bleus et blancs, me donnaient froid dans le dos. La pièce ne contenait qu'une porte ainsi qu'une table et deux chaises, solidement accrochées au sol. Les barres de néons blancs accrochées au plafond éclairaient la pièce si fort que cela m'en donnait mal au crâne.

   La porte s'ouvrit dans un court signal sonore et laissa entrer deux hommes : Wyatt Adams et un autre gardien. Le surveillant de jour m'invita à m'asseoir avant de s'installer sur la chaise, face à moi, tandis que l'autre garde restait debout, en retrait.

- Bonjour, mademoiselle, commença Wyatt Adams, je vous présente Sawyer Sanders. Il accompagne le loup du Bloc 5 lors de ses sorties hebdomadaires. Sorties que vous avez bien chamboulées, tout comme le détenu. Savez-vous ce que vous risquez pour avoir coupé le grillage de la prison ?

   Je ne sus quoi répondre, je savais que c'était mal, mais je me devais de le faire. Il soupira, désespéré.

- Je peux le voir quand même ? osai-je.

- Qui ? demanda Wyatt Adams.

- Le loup du Bloc 5.

   Il se tourna vers le gardien, toujours posté derrière lui.

- Qu'en penses-tu ?

- Si ça peut le calmer, pourquoi pas, répondit Sawyer Sanders.

   Les deux hommes m'emmenèrent dans les couloirs de la prison et je reconnus l'accès au bâtiment isolé. Avant d'ouvrir la porte, Sawyer Sanders se tourna vers moi pour me donner quelques recommandations.

- Il est assez imprévisible en ce moment, je vais donc entrer en premier pour voir s'il est en capacité de recevoir de la visite. Si c'est le cas, restez bien contre les barreaux de la cellule en face de la sienne, ok ?

   Je me contentai de hocher la tête tandis qu'il ouvrait la porte. Un grognement féroce sortit du Bloc 5 et s'intensifia lorsque l'homme pénétra dans le couloir. À peine la porte ouverte, je sentis la lourde atmosphère qui régnait dans les cellules. L'homme revint peu après et libéra le passage.

   Comme la première fois, seule une cellule était occupée et, même si je vivais dans une meute, je n'avais jamais vu un loup aussi sombre que ça.

   Je découvris une bête sauvage au pelage aussi noir que le charbon. Il était grand, plus grand que la majorité de ceux que je connaissais. Ses yeux gris me fixaient, m'analysaient à tel point que j'avais l'impression de passer au rayon X. Ses muscles étaient tendus et je remarquai que les murs de la cellule portaient les stigmates de sa colère, plus encore que lors de ma première visite.

   J'entendis à peine le garde annoncer qu'il se mettait près de la porte tant le loup m'hypnotisait. Impressionnée, je ne savais pas comment réagir, alors je m'assis sur le sol du couloir. Le loup resta face à moi de longues minutes avant de s'asseoir également. Lentement et petit à petit, je me rapprochais de la cellule, puis mes genoux finirent par toucher les barreaux.

   L'animal se fit étrangement calme et il finit même par se coucher. Peu de temps après, j'assistai à sa transformation.

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