Renart s'agite un peu, c'est étrange. Sa cuisse frétille, elle se frotte la main, puis la joue, j'ai peur que le film ne lui plaise pas. Ce serait dommage, je m'en voudrais de lui avoir fait faire un mauvais choix.
— Ça ne te plait pas ?
— Si, si, c'est vachement bien.
Bon. Son corps se concentre un peu, elle arrête de bouger, détache ses cheveux, se détend. Je regarde sa main. Celle avec laquelle elle joue avec la craie. Celle avec laquelle elle remonte ses lunettes, indexe plié. Ses doigts sont petits et minces. Comme tout son corps. Je ne m'explique pas pourquoi sa présence me fait tant plaisir. Est-ce que je serais pareil si j'étais avec Lucas ? Non. Quelle est la différence ? C'est une femme. Aucun rapport. Ce n'est pas ça. C'est ma prof ? Non. Je ne serais pas ravie d'aller au ciné avec la mère Leclerc. C'est pas ça.
Je m'enfonce dans mon siège. Tout ça manque de logique. J'ai un peu de mal à le comprendre. Pareille, pourquoi m'offrir la place ? Ça n'a pas de sens. Elle sait que je travaille. Je ne trouve pas la différence avec Lucas. Pourquoi je suis plus heureuse qu'avec Lucas ? Pourquoi je veux recommencer ? Pourquoi je suis déçue de ne pas lui devoir une place ? Kali a-t-elle vraiment raison ? Je suis amoureuse de Renart ? C'est possible ça ? En échangeant trois mots et un sourire ?
Le film est fini, la suis silencieusement. Attachement intense qui lie deux êtres, basé à la fois sur la tendresse et l'attirance physique. C'est la définition de l'amour. Je... Il pleut à verse. Il y a dix bonnes minutes de marches jusqu'à chez Colette, Renart n'a pas de manteau.
— Tu vas être trempée.
C'est quoi cette nouvelle manie d'énoncer des vérités, bordel !
— Tu veux un verre ?
Je suis son regard des yeux. Il y a un bar en face. C'est mieux d'attendre là-bas qu'il arrête de pleuvoir. Et je n'ai pas fini de réfléchir.
— En courant assez vite, on ne devrait pas être trop mouillées.
Dans le bar, je m'installe à la fenêtre. J'aime bien les tables hautes, on est moins avachi. Renart fixe la pluie. Elle semble distraite. Préoccupée peut-être. Mais je sais qu'elle n'est pas bavarde alors je ne m'attends pas à ce qu'elle dise quoi que ce soit. J'aime son silence. Pas de « small talk », pas de bavardages inutiles. Je ne dois pas chercher à tout prix un sujet de conversation. Lucas est un peu comme ça. Mais avec Renart, c'est mieux. Y a-t-il un attachement intense ? De la tendresse ? De l'attirance physique ? Les trois questions de ma définition. Objectivement, je peux répondre oui aux deux premières. Noël et le ciné pour l'attachement. Les sourires et la main sur l'épaule pour la tendresse. Et moi, est-ce que je cherche sa tendresse ? Oui. J'aime sa main sur mon épaule. Elle me fait du bien.
Reste l'attirance physique. Son petit corps. Son masque de loup. Le soleil dans ses yeux. Je pourrais coder son visage les yeux fermés.
— Tu as le droit d'être au bar avec moi ?
Elle se tourne vers moi, boit une gorgée de sa bière qu'elle n'a pas encore touchée. Elle gagne du temps. C'est ça qui la préoccupe. Je suis son élève.
— Oui. La loi n'est pas si stricte que ça.
— Que dit la loi ?
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Zèbres [TERMINÉ]
RomanceAnne fait sa première rentrée en tant que prof de math. Ses collègues s'étonnent de son visage enfantin. Du haut des ses 22 ans, elle dénote dans l'équipe pédagogique. Pour autant, son sourire et sa maturité lui forge une place en son sein. Anne est...