Chapitre 4

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— On sera dans le bureau si tu as besoin d'aide, annonça Lehto en guidant Wraith hors de la loge aux murs de pierre brute. Ne te met pas le maire à dos, cet abruti a le bras long.

Grimm hocha la tête par pur mécanisme. Si cet enfoiré de Elren décidait de la lui mettre à l'envers, il ne le laisserait pas s'en sortir indemne. Si le combat n'avait pas été encadré, son mioche serait mort à l'heure actuelle, juste pour avoir usé d'un poison aussi violent.

Dans la rue, pourquoi pas, mais dans une foutue arène... C'était stupide et atrocement lâche. Quelle fierté y avait-il à vaincre l'autre comme ça ? Plus encore, c'était formellement interdit dans les duels en règle.

Seul dans ce qui avait autrefois été des cachots, Grimm ferma les yeux un instant.

Des millénaires plus tôt, il aurait été jeté au combat juste pour avoir été un déchu. Face à des dizaines de soldats démoniaques, il aurait lutté corps et âme pour survivre avant de se faire tout bonnement exécuter.

Ces pratiques n'étaient plus en vigueur ici, remplacées par des rapts sauvages, mais il avait entendu parler de la sauvagerie des arènes du sud, là où les rois régnaient encore.

Contrairement aux cités angéliques, fondées sur des îles volantes et dirigées par un archange, le monde terrestre était drastiquement divisé. Les terres chaudes se trouvaient souvent sous la domination d'un roi ou d'un empereur et, au nord, là où tout était calme, les territoires s'articulaient autour des grandes villes.

Le bordel arrivait quand on passait Er'luân, l'immense mer tumultueuse qui séparait la planète en deux ; monnaies différentes, langues différentes, mœurs différentes... Peut-être qu'un jour il s'y rendrait, lorsque la lassitude du quotidien le pousserait à sortir de sa zone de confort.

Pour l'instant des pas lourds approchaient dans sa direction et Grimm pinça les lèvres. Il n'avait aucune foutue envie de jouer le jeu face au maire quand tout ce qu'il voulait c'était rentrer chez lui et dormir.

À vrai dire, c'était du sexe qu'il voulait, brut, violent et destructeur, mais les bordels ne l'intéressaient pas le moins du monde.

Les grilles de la loge grincèrent quand on les tira et le visage bien trop lisse de Elren pour être naturel lui fit face. Les mâchoires serrées et les lèvres pincées, le maire avait l'air à deux doigts de lui sauter dessus pour venger l'honneur de son fils.

Quel con ! Avec son costume hors de prix et ses cheveux gominés, il ressemblait à un de ces gangsters des vieux films, ou à un abruti fini, au choix.

— Grimm, marmonna le maire, félicitations pour ta victoire.

En temps normal, le déchu aurait dû se lever à l'entrée du démon, pour lui témoigner le respect dû à son rang, mais Grimm ne l'estimait pas le moins du monde. La politique lui passait bien au-dessus de la tête, encore plus quand on le prenait pour un abruti.

— Dis-moi, Elren, railla-t-il, ta compagne a-t-elle testé la mandragon sur toi où j'étais censé être sa seule victime ?

— De quoi est-ce que tu parles ? répondit le démon en découvrant ses dents.

Tiens, lui n'avait pas de crocs. Leur taille variait d'une personne à l'autre, génétiquement définie, à la manière des cheveux ou des yeux. Certains démons en possédaient de si grands qu'ils peinaient à fermer la bouche. D'autres, comme le maire avait des canines minuscules.

Ce constat tira un sourire au déchu. Toute cette apparence lisse lui collait de sales frissons ; plus son interlocuteur tentait d'arborer un masque, plus Grimm avait envie de lui éclater la tête contre un mur.

[1] Grimm [PUBLIE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant