Prologue

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La douleur explosant dans son bras, Grimm haleta alors qu'on le poussait à genoux. Ses cuisses éprouvées par le combat ne tardèrent pas à céder et ses articulations à vif percutèrent violemment le sol.

Cette foutue journée avait mal commencé ; déjà à l'aube il avait senti que quelque chose se passerait mal. Ce à quoi il ne s'était pas attendu, en revanche, c'était qu'Uriel attaque Tirn'ânog.

Les archanges passaient leur temps à se défier et à tenter d'obtenir le contrôle des cités volantes angéliques, mais généralement ils n'attaquaient pas en traître. Quand l'alarme avait sonné, Grimm avait senti jusque dans ses os qu'ils étaient foutus.

Il aurait dû suivre son putain de sixième sens, chercher à prévenir Adriel. Sans être un de ses généraux, il était un guerrier respecté et son Sire l'aurait écouté. Évidemment, il avait fallu qu'il la ferme et se jette dans la bataille à corps perdu, accroché au mince espoir de pouvoir s'en sortir sur un coup de chance.

Grimm n'était pas le plus parlant des anges ; il était réputé pour être un soldat redoutable que rien n'ébranlait, aussi silencieux que la mort qu'il laissait dans son sillage. C'était dans sa nature de se taire, et cette fois ça signait sa perte.

Alors qu'un homme d'Uriel le maintenait à genoux et que son bras pendait lamentablement, Grimm sut que tout était fini. Ils n'avaient plus aucune chance de reprendre le contrôle de Tirn'ânog.

Un corps sanglant percuta le sol avec violence, creusant une tranchée dans la terre et le regard clair d'Adriel, voilé par la mort, lui serra atrocement le cœur. Cet archange l'avait pris sous son aile lorsqu'il n'avait été qu'un enfant et le guerrier l'avait toujours considéré comme son père.

Fort, loyal, juste, l'archange avait été un dirigeant digne de ce nom et plutôt paisible en comparaison à ceux des autres citées angéliques. Adriel avait préféré consolider son royaume, protéger ceux qui vivaient sur ses terres plutôt que de faire la guerre et ça l'avait perdu.

Uriel n'était réveillé que depuis quelques mois après un millénaire de sommeil, mais il était ambitieux et bien entouré. Son attaque violente avait surpris tout le monde, ce qui avait joué en sa faveur.

Désormais, Adriel était mort et ses hommes tombaient un par un, exécutés sans états d'âme par l'ennemi.

— Toi, lança l'archange vainqueur en se posant devant Grimm, ses plumes pâles lui cachant le soleil, choisi. Rejoins-moi ou meurs.

Les mâchoires serrées, le guerrier releva la tête. Perclus de douleurs, l'âme déchirée d'avoir perdu les siens, il gronda :

— Déchu.

— Tu choisis d'être jeté en pâture aux démons, soldat ? s'étonna Uriel, les sourcils haussés.

Quel autre choix avait-il, merde ? Son monde venait d'être mis sens dessus dessous et il avait tout perdu. Ses amis, sa famille, sa vie, il n'en restait rien.

Jamais il ne se rangerait aux côtés de celui qui lui avait tout pris. Quant à la mort... Non, il ne pouvait pas faire cet affront à Adriel. Son archange lui avait offert le bénéfice du doute, une place à ses côtés et, alors que son corps gisait à quelques mètres à peine derrière son ennemi, Grimm savait qu'il ne pouvait pas le trahir.

Une vie en enfer serait bien mieux que la mort.

À ses côtés, un soldat qui avait suivi la formation en même temps que lui fut décapité et Grimm sera son poing encore fonctionnel. Il comprenait tous ses frères qui choisissaient de périr. Lui n'en avait aucun droit.

— Je choisis d'être déchu, répéta-t-il fermement.

— Qu'il en soit ainsi, soupira Uriel avec une moue déçue. Accueillir un guerrier de ta trempe dans mes rangs aurait été un honneur.

D'un signe de la main, l'archange agréa sa demande et se tourna vers un autre soldat. La vie n'était qu'un détail pour lui, une étincelle d'énergie qui se tarissait inévitablement un jour.

Un ange dans son dos saisit ses ailes à leur base et un éclat de douleur vrilla le crâne de Grimm. Ses plumes avaient toujours été plus sensibles que la moyenne, mais alors que l'ennemi les lui écrasait sans la moindre précaution, il dut se mordre la joue pour ne pas crier.

Quand la chair céda, que les muscles se déchirèrent et que les tendons capitulèrent sous la pression, le guerrier hurla, encore et encore. Il ne s'arrêta que lorsque sa gorge refusa de laisser sortir le plus infime son.

Ses ailes avaient été arrachées en une fraction de seconde, pourtant la douleur subsistait tandis qu'il s'effondrait en avant, incapable de se retenir. Son corps était brisé, marqué par le combat et certaines parties ne lui répondaient même plus.

Les démons n'allaient faire qu'une bouchée de lui ; à l'instant où il chuterait, leurs hordes se jetteraient sur lui pour le massacrer et revendre ses os au plus offrant. Pas de pitié, pas de douceur, pas d'échappatoire.

Finalement, peut-être que la mort aurait été préférable.

Finalement, peut-être que la mort aurait été préférable

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[1] Grimm [PUBLIE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant