Chapitre 5

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Quelques semaines plus tard

— Il dit que si je veux qu'on se mette ensemble, je dois l'assumer, m'explique-t-il avec une grimace en s'appuyant contre le muret du lycée.

Je tourne la tête vers lui, interloqué.

— Sérieux ? C'est pas un peu un connard, lui ? m'exclamé-je, choqué par le procédé.

Il fronce les sourcils avant de détourner le regard, fixant le mur derrière moi avec une expression mécontente.

— Tu ne l'aimes pas, en conclut-il.

Je quitte le dossier du banc sur lequel j'étais appuyé et m'approche de lui, un doigt pointé vers sa poitrine.

— Tu arrêtes de réfléchir tout de suite ! je lui ordonne, le connaissant trop bien et sachant pertinemment qu'il se le serait demandé. Ça n'a rien à voir avec le fait que Jimmy soit un mec. Si une nana te posait une condition aussi con, je m'en méfierais de la même manière !

Il baisse la tête, incapable de me contredire. Il y avait bel et bien pensé !

— Je ne vois pas quel est le rapport, j'élabore pour en revenir à nos moutons.

Il hausse les épaules en attrapant son paquet de cigarettes dans sa poche et en allume une.

— J'en sais rien, admet-il. Il a pas vraiment aimé que je panique comme ça quand tu nous as vus... Donc en gros, si je veux qu'on soit un couple, il va falloir que ce soit au vu et au su de tous, sinon j'me démerde.

Aïe.

— Et sinon, on n'appelle pas ça du chantage, par hasard ? suggéré-je, n'aimant pas trop cette idée d'exiger quelque chose.

L'expression qui s'affiche sur ses traits m'indique qu'il n'a aucun argument à m'opposer.

— Et... t'en penses quoi, toi ? tenté-je, conscient d'être en terrain miné.

— De ?

— Bah... Faire ton coming out maintenant, comme ça, avec lui...

Il écarquille les yeux.

— J'en sais rien, soupire-t-il. Ça m'fait flipper...

— Je comprends, acquiescé-je en fronçant les sourcils, me rasseyant à ses côtés.

Je ne pouvais que l'imaginer. J'y avais réfléchi ces derniers jours, évidemment. A cette histoire de coming out, de réaction des gens... Entourage plus ou moins proche, inconnus... Parents. En y repensant, je ferme les yeux pour conserver mon calme. Comment voulez-vous qu'il... Ça ne peut pas être facile pour lui de s'affirmer aux yeux de tous. Ça ne l'est pour personne quel que soit le domaine concerné, mais les circonstances ne jouent pas en sa faveur : nous avons presque dix-huit ans et ces dix-huit dernières années, Timaël s'est entendu dire plus qu'à son tour que l'homosexualité est le mal du siècle. Que c'est malsain, que c'est une maladie, que... Ce satané discours autour de la famille bien comme il faut ! Un couple c'est un homme et une femme, pour procréer, tout ça, tout ça. J'ai toujours rangé ces comportements dans la case « bêtise humaine » avec nombre d'autres questions de société que tout un chacun s'approprie à sa sauce : aux côtés du racisme et de toutes les formes d'intolérance, quelles que soient les raisons invoquées pour les justifier. Cette fois, j'étais directement touché ou presque. C'était un peu égoïste de ne jamais m'être senti si concerné, d'être toujours resté relativement indifférent et passif face à ça et j'avais envie de faire mieux que ça.

— C'est pas normal, affirmé-je sans réfléchir. Ça devrait pas être le cas.

Il rit de me sentir ronchon.

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