Nature liée -tome 1 - le lien -

Chapitre 8: Lona

Tout le corps de la télévive était prêt à déguerpir ou à se défendre. Elle retenait son souffle. Discrètement, d'un mouvement lent, sans quitter le renard des yeux, elle mit sa main dans sa poche, sur son petit canif.

Après quelques secondes d'immobilité, alors que tous trois se jonchaient du regard, la petite bête se mit à grandir, à changer de forme. Une jeune fille vint bientôt la remplacer. L'atmosphère semblait électrique, instable.

Kaitla, toujours immobile, l'examina. Ses cheveux noirs lui tombant aux épaules encadraient son visage aux traits doux. Ses yeux noisettes étaient légèrement bridés et son regard semblait franc.

Elle ne faisait pas partie de ceux les ayant attaqués. Non, elle était plus jeune qu'eux. Son ventre se soulevait de façon régulière.
La jeune fille ouvrit puis referma aussitôt la bouche. Elle tourna la tête, observant autour d'elle. Il n'y avait rien. Qu'une télévive, son lien et une métamorphe.
Elle regarda Kaitla comme si elle craignait de se faire sauter dessus. Une peur parfaitement justifiée. La télévive était une chasseuse. Son immobilité, son regard concentré le montraient. Comme les chasseurs, elle pouvait attendre pendant une éternité tout en gardant son attention. Tout dans sa position, dans ses yeux laissaient transparaître sa vivacité. La métamorphe ne pouvait savoir si elle allait sauter pour l'attaquer ou pour fuir.

— Tu ne devrais pas être ici, chuchota-t-elle d'une voix hésitante qui avait une intonation vaguement anglaise.

Sa voix ne laissait transparaître aucune menace, seulement la peur.

Kaitla ne pouvait dire si la fille avait peur d'elle ou pour elle.

— Pourquoi?

La voix de Kaitla était assurée et quelque peu confrontée.

Elle pouvait facilement voir l'effort que l'autre faisait pour rester calme.

La télévive touchait presque à son but : Phil était proche. Pour elle, il était hors de question de faire demi-tour.

La scène semblait presque irréelle. Au milieu de nappes brumeuses, sous un épais tapis vert, une métamorphe donnait l'impression de vouloir aider une télévive.

Alors que la métamorphe allait répondre, un crie d'aigle fendit l'air. Toutes deux sursautèrent. Une frayeur bien visible traversa le visage de la métamorphe. Elle lui échangea un regard paniqué.

Prompte comme l'éclair, Kaitla se cacha parmi un bosquet de jeunes conifères. S'enfonçant dans la terre, la télévive sentait les épines qui menaçaient de transpercer ses vêtements. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Devant elle se dressait un vieux chêne. D'où elle était, elle pouvait voir la métamorphe de profil retournée dans la direction du cri.

Avec Aleckelle tapie à ses côtés, Kaitla entendit une masse atterrir au sol dans un froissement de feuilles et de brindilles.

Le visage de la jeune fille sembla se détendre, mais ce n'était que son visage. Ses mains entortillées dans son don trahissaient un certain malaise.

— Lona, soupira une voix aux teintes autoritaires et à l'accent anglais mille fois plus saccadé que la fille, mais aussi légèrement amusée. Il serait temps que tu arrêtes de sursauter à chaque fois que j'arrive.

L'homme avait donc pris sa réaction pour de la surprise et non de la peur. Lona baissa deux secondes la tête devant cette fausse remontrance.

— Peut-être que si vous ne poussiez pas ce crie à chaque fois, je ne sursauterais pas, répliqua-t-elle avec un certain amusement.

Amusement que Kaitla pouvait deviner feinté.

— Et bien, reprit l'homme. Je ne faisais qu'une petite ronde.