Mon « témoignage » en poème

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Pour m'exprimer au sortir de mon TCA, mon genre privilégié a été le poème. Voici donc quelques poèmes qui vous livre, mon expérience douloureuse et, mes sentiments intimes face à ce trouble.
⚠️ Avertissement : ces poèmes contiennent des propos et images choquantes.

***

Troubles

C'était moi : le grand ennemi de ma vie
Le grand méchant loup
Qui terrorisait l'enfant que j'étais
C'était moi : l'Angoisse obstinée
Qui détruisait mon Esprit, qui empoisonnait mon corps.

C'était moi : qui m'imposais le jeûne. Et l'exercice extrême.
Moi qui m'imposais la faim terrible ou la terrible fin.
Je m'étourdissais, je me faisais perdre pied
Jusqu'à que la crise vienne TOUT dévorer
Me laissant un goût sanguin de culpabilité
Dans la bouche.

C'était mes deux doigts : que j'enfonçais dans ma gorge
Mes deux doigts que je posais quelquefois sur ma tempe
Mimant un pistolet.
Je me combattais au front : je faisais la guerre
A mon âme à ma peau
    A mon Corps.
Déréglée et déraisonnablement, je maigrissais (je m'abîmais).

Il fallait être forte ! Manger : c'était être faible.
J'étais mon despote ; mon vigie dit « végan »
Qui surveillait la tempête, épiant tout écume de sucre.
Je contrôlais mon poids (mais je ne contrôlais plus rien) : je m'interdisais jusque l'eau.
Je ne pleurais pas. Mais je me noyais, je sombrais. Naufragée...
La Nuit, je dormais peu ; j'hurlais beaucoup
Je criais à l'aide, je ne respirais plus, je me balançais d'avant en arrière
Et mon cœur battait la douleur dans une comédie infâme.

C'était ma voix : que j'entendais quotidiennement
Me dire « suicide-toi ». Cette voix que tu n'entendais pas, que tu ne soupçonnais pas
Car ma dépression s'habillait en Prada.
Je maquillais ma peine ; je fardais mon Anxiété ; je brillais en la matière.

Toujours je me combattais : je jeûnais ; je brûlais ma graisse (je me consumais)
Souvent je me repliais sur moi-même, piégée dans mon corps
Je ne voulais pas qu'on me regarde, qu'on me touche, qu'on m'embrasse. Je finissais seule.
Parfois je me trouvais un bourreau : un malheureux, un intéressé
Que j'aimais tant il me haïssait. Et jamais je ne m'aimais moi.

Tantôt, j'étais agressive : j'avais sommeil, j'avais faim, j'avais froid, j'avais peur
Je t'accusais, je m'isolais. On m'abandonnait. Je m'abandonnais.
On ne me comprenait pas : ce n'était pas être trop perfectionniste ! Ce n'était pas un caprice !
Ce n'était pas le regard des autres. Ce n'était pas vanité. Ce n'était pas un complexe.
Mais ce n'était pas ma faute.
    ... Ce n'était pas moi.
C'était mon T.C.A.

***

Dans ma gorge, il y a une boule...

Dans ma gorge, il y a une boule
Tout au fond derrière : c'est l'angoisse pensante
Lourde comme le néant...
Je rentre de cours : il est seize ou dix-sept heure
J'ouvre le frigo d'une main, le tiroir d'un pied
Dans un geste unique, dans un réflexe habituel
Je réchauffe mon plat du midi (je n'ai pas encore mangé)
Mais mon esprit s'échauffe : je croque dans un biscuit...

Mon ventre s'emplie de nourriture
Comblant un vide énorme
J'avale à l'allure rapide
Des tonnes de sucre lents et glucides
Sans mâcher ou presque : c'est la course, je passe tout
Je ne respire plus, je m'étouffe
Je m'étrangle. Dans une toux insonore.
Je fais ce geste (que je connais par coeur) pour recracher
Un morceau — que je me presse d'engloutir à nouveau
Je me gorge : les aliments me bouffent. Insouciant
De goût, de péremption ou de comestibilité
Je dépasse la faim, je me surpasse moi-même
Je ne suis plus dans mon corps
Qui se gonfle durement
Je m'en mord les doigts et, la langue parfois
Si sévèrement qu'elle fut marquée au fer de mes dents.
Je suis pleine. Enfin je m'éveille :
Le couteau en main, la dépouille au sol
La gorge acide, la bouche sanguine...
J'aperçois une brique, des pots, des emballages plastiques,
Des aliments entamés, des boîtes de conserve forcés,
Et des casseroles vidés, et un comptoir rasé...
Qu'ai-je fait ? ...Mon plat est tiède dans le micro-onde
J'ai mal à la tête, je titube, mon ventre me gronde
Je dois effacer mon terrible péché : je nettoie, balaie
Je maquille mon crime à l'éponge, et remets en place
Les paquets vides — que maman me cachait

Comprendre les TCA : anorexie et boulimieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant